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Merci Pierre pour ces très intéressantes informations. Dans la mesure où mon frère cadet vit en Écosse, je suis allé plusieurs fois à Kilwining, à 70 miles de Dumfries (100km) ou se trouve la plus ancienne loge d’Ecosse, Kilwining n°0. 0 ne signifiant pas zéro mais nothing, rien, le néant. Sa particularité est qu’elle a été créé au 12°siècle pour construire l’abbaye de Kilwining (rasée 3 siecles plus tard par le clan Glaincairn) et que la Loge actuelle est le résultat d’une transition entre opératifs et spéculatifs. Elle est considérée comme la Loge Mère d’Ecosse d’où le titre distinctif de Dumfries « Kilwining » n°53 objet de cet article. C’est à Kilwinning n° 0 qu’est né le Rite du Mot de Maçon. La Loge était à l’époque presque exclusivement peuplée de calvinistes et le Mason’s Word fait référence au God’s Word qui désigne la Bible, la Parole de Dieu.
Les locaux actuels de Kn°0 sont à visiter, le petit musée est intéressant et la boutique de regalia aussi. Je ne fais ici état que d’un petit plaisir personnel que je m’accorde lorsque je vais à Glasgow et pas d’une volonté d’étaler ma « science ». J’aime ce pays et ses habitants.
Moi aussi ! J’aime l’Ecosse, ses habitants, leur langage, leur approche rugueuse et chaleureuse. J’y ai vécu des moments exceptionnels, d’Inverness à Jedburgh.
Il y a 7 loges à Dumfries (16 dans le Dumfriesshire) dont L’Operative-Lodge-of-Dumfries (les deux se réunissent dans le même local, George Street).
La plus ancienne, actuellement Dumfries Kilwinning n° 53 (depuis qu’elle a obtenu une charte de la GL en 1750), s’appelait autrefois la « The Old Lodge of Dumfries » et fut « réveillée » en 1687 par 7 anciens membres. C’était une loge composée de tailleurs de pierre et de charpentiers (wrights ou squaremen), donc d’«opératifs » gagnant (péniblement) leur croûte du métier de la pierre ou de celui du bois. Malgré cela, ce n’était pas une loge «opérative » au sens propre du terme (on ne travaillait pas la pierre ou le bois lors de réunion de la loge ! Le travail effectif se faisait sur le chantier ou dans l’atelier de l’entreprise) et elle ne s’occupait pas de l’organisation et de la direction du métier. la loge n’avait aucun droit de regard sur les relations des ouvriers (journeymen) et de leurs patrons et les modalités d’apprentissage n’étaient pas de son ressort. En termes d’aujourd’hui, la « loge » n’avait pas de personnalité juridique, n’était pas reconnue officiellement par les autorités communales et n’avait aucun poids dans l’administration de la cité (le Burgh).
(A cette « inexistence » légale s’ajoutait la suppression par la Réforme Protestante des fonctions religieuses autrefois exercées par les guildes : assistance aux démunis, frais funéraires et célébrations des fêtes des Saints Patrons).
En réalité, toutes les fonctions publiques étaient exercées, à Dumfries, par la Corporation des Squaremen (artisans maniant l’équerre), existant depuis le début du XVII° siècle.
Elle existait en parallèle avec la « loge » mais la différence n’en était pas une dans la mesure où les membres de l’une étaient membres de l’autre. Les maçons étaient représentés dans la Corporation par un Mason Deacon, les charpentiers par un Wright Deacon ; mais tous deux étaient membres de la loge. Cerise sur le gâteau, les deux organisations se réunissaient dans le même local.
La Corporation était un organisme public, connu de tous, représenté au niveau communal et elle participait à la gestion de la cité avec les autres Corporations de marchands et d’artisans. La loge restait un organisme privé, discret, dont les réunions se tenaient à distance des lieux habités, « où on n’entend ni chien aboyer, ni coq chanter, ni poule caqueter ».
Paradoxalement, cette situation assurait à la loge une certaine autonomie et la liberté de transmettre à sa guise le Mason Word, de conférer les grades d’Entered-Apprentice et de « Fellow-Craft ou maître-maçon ». Elle n’existait qu’à des fins rituelles et sociales (la convivialité et la chaleur de l’amitié). Les « tenues » étaient rares et ne se tenaient qu’à l’occasion de réception ou lors de la fête de St John in Winter (27 décembre) qui voyait l’installation du Maître de la loge et le banquet annuel (tradition propre à l’Ecosse).
. La stratification sociale se retrouvait bien évidemment : la direction de la Corporation était réservée aux employeurs, c’est à dire aux véritables patrons, « maîtres » dans la vie, sans l’être nécessairement dans la loge. Inversement, un « maître de loge » pouvait ne pas faire partie de cette classe dominante, être Fellow-Craft dans la loge et un « journeyman » (un ouvrier appointé) dans la vie de tous les jours.
En Ecosse on constate une réelle continuité entre quelques loges operatives du 17 e et les loges du 18e. Le cas de Dumfries est effectivement très intéressant puisque cette loge a été fondée fin 18e et s’est clairement revendiquée d’une tradition opérative. De plus il semblerait que les maçons écossais aient été plus mélangés socialement, parfois issus de milieux populaires, beaucoup plus que les maçons anglais. Merci pour cet article très intéressant.
Cette Loge fut fondée en 1776, bien après la création de la GL d’Ecosse. Elle ne peut donc qu’être une loge «normale », née ex nihilo sans être le produit d’une transition quelconque. On n’y travaille pas la pierre, on n’y régit aucun chantier, on n’y fait aucun plan. Et pourtant ses membres sont, dans la vie professionnelle, tous du métier, donc des authentiques « opératifs » même si beaucoup manient plus volontiers l’ordinateur que le ciseau et le maillet quand les autres, maîtres dans l’usage de leurs outils, travaillent de leurs mains. On peut imaginer qu’après leurs tenues paisible où ils vivent les quatre cérémonies « spéculatives » de la franc-maçonnerie écossaise (l’apprenti-entré, le « compagnon » du métier, le maitre-maçon et le maître-maçon de marque), ils se retrouvent lors de l’ « harmony » toujours heureuse, où il leur arrive de parler « métier », comme à chacun d’entre nous.
Cela nous amène à jeter un autre regard, moins romantique, moins idéalisé, sur le passage de l’atelier (où on travaille) à la loge (où on va chercher un peu de bonheur … pas le bon dieu? ).
C’est très intéressant. Et, bien entendu : « où on va chercher un peu de bonheur … pas le bon dieu ». Du Bonheur, rajouterai-je et rien que du Bonheur. ? Un peu nous suffit, pourvu qu’il soit pur. ?