Et que dire encore de cet émerveillement béa, à la limite du compulsif, devant les différences individuelles ? Merci, on le sait qu’on est différent. On peut déceler une complaisance dans la manière dont les gens aiment parler de la « singularité » de l’individu, comme s’ils éprouvaient sans cesse le besoin d’affirmer d’une manière ou d’une autre que l’individu est une fin pour lui-même. Le désir d’indépendance à l’égard d’un principe transcendant et la volonté de faire du libre-arbitre de Descartes un absolu dans chaque minuscule circonstance de la vie, transparaissent à tel point qu’ils ont le mérite d’en montrer le ridicule : oh, un individu singulier, avec ses choix, ses goûts, ses désirs, son histoire de vie, que c’est merveilleux. Oh tu as des cheveux, des cheveux blonds, c’est extraordinaire ! C’est toi, tu es un individu singulier ! Tu te rends compte ! Et tu manges des tartines au miel le matin ? C’est ton choix personnel, mais c’est incroyable … Stop.

Je me posais une question : vous êtes professeur de philosophie, et Guénon l’a été aussi. Comment supporter de dépenser autant de temps dans cette discipline, de mémoriser, d’ingérer et d’entrer en contact avec le faux ? Ca doit être douloureux d’enseigner quelque-chose qui représente le pire d’une civilisation, dans ce qu’elle a de plus imbue d’elle-même. C’est insupportable. Je ne comprends même pas comment on peut. Peut-être sous la torture et encore …

Ce monde est déprimant du manque d’intelligence, j’espère qu’il y aura de plus en plus de gens capables de réfléchir, de s’interroger sur les vérités établies que la majorité des gens prend pour une évidence, d’être à l’écoute de leur intérieur et de ce qui se passe dans leur cœur. Ce qui est étranger à une époque et à son mode de pensée a toujours été considéré comme faux.