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@ Mrs Kervalla & Négrier :
Ce débat semble épuiser nos esprits, par ailleurs brillants en ce qui vous concerne.
Sans doute sommes nous a des erreurs de transcription au long des siècles.
Le changement de langue joue des tours avec les usages.
Ce débat n’épuise que ceux qui ne s’intéressent pas à ce sujet. Pour les autres, M. Kervella ne fait qu’utiliser un droit de réponse et de façon très fouillée. Les « experts » se régaleront.
@ Chicon
Ce débat semble effectivement épuiser votre esprit, puisque vous l’écrivez, pas le mien. Ni probablement celui de bien d’autres intéressés par le présent débat.
Car nous sommes au cœur de la polémique entre deux visions divergentes des origines de la FM : le mainstream très médiatique et très bien diffusé qui ferait office de « vérité établie » et une vision différente bien argumentée et bien appuyée sur des documents d’époque non exploités par les partisans du courant principal.
Je trouve quant à moi ce débat « viril », sans concession, enrichissant et révélateur de certaines tensions actuelle en maçonnologie.
De quoi se faire sa propre opinion. Donc génial.
Que celles et ceux qui en sont épuisés ne suivent plus ce post sans nous en priver pour autant.
REPONSES AUX NOTES CRITIQUES DE PATRICK NEGRIER
Comme le post ne permet pas d’employer des jeux de caractères différents, par commodité d’exposition je reprends chaque note l’un après l’autre, précédées d’un tiret, et fait précéder ma réponse de deux astérisques.
– Pages 23 et 136 : L’analyse philologique impartiale des « Devoirs » de 1723 montre qu’ils acceptaient en loges les athées théoriques pourvu qu’ils pratiquassent la loi naturelle (religion naturelle pratique), et c’est pourquoi ils n’obligeaient pas à la « croyance en Dieu » ni à « admettre l’idée qu’un principe divin gouverne le monde » (cf. ci-dessous pages 237-238).
** Négrier fait allusion à l’article des Obligations qui fustigent les « athées stupides » et les « libertins irréligieux ». Il considère que les loges londoniennes pouvaient admettre en leur sein au moins les premiers. Argument ? Aucun ! Il se lance dans une tirade sur les « athées théoriques ». Or, ce n’est pas une terminologie usitée par Anderson ou Desaguliers. La fierté de s’inspirer d’une philologie prétendument impartiale est donc fort mal venue. En outre, mon critique n’a certainement pas lu les sermons d’Anderson, puisqu’il ignore les longues et répétitives réprobations qu’ils contiennent à l’encontre des athées. Les papistes n’y sont pas mieux traités d’ailleurs.
– 25 : Il n’y a aucune raison de penser que les références des « Devoirs » de 1723 aux opératifs sont « à entendre dans un sens métaphorique ou allégorique » (cf. ci-dessous page 295).
** Argument ? Toujours aucun. Mon propos est d’affirmer, au vu des premiers registres de la Grande Loge de Londres, registres qui ne font l’objet d’aucune analyse dans les écrits de Négrier, que cette obédience ne gère pas une seule loge d’opératifs et que les références aux Anciens Devoirs ne peuvent donc pas concerner concrètement les spéculatifs. Ils ne les concernent qu’abstraitement, d’où l’usage des métaphores et allégories dans la documentation de l’époque. On peut d’ailleurs s’interroger sur ce qu’une salle d’auberge offre comme espace favorable à l’exercice de protocoles de réception qui seraient encore destinés aux opératifs. Pas de pierre de carrière à dégrossir, pas de burin, pas de maillet. Des symboles, des tableaux dessinés à la craie, des tapis peints ou brodés. Cet auteur est du reste muet pour nous dire quels auraient pu être ces protocoles à l’époque médiévale. Sa tendance est de proposer des reconstructions démenties par le Regius et le Cooke : on n’y trouve rien qui autorise à parler d’un rite strictement codifié.
– 28, 84-85 : La conclusion « point d’ésotérisme » ne tient pas compte du fait que la symbolique biblique du Mason word véhiculait implicitement un ésotérisme (en 1689 Kirk nota dans son Journal la comparaison du Mot de maçon à un « mystère rabbinique »), même si l’intérêt des maçons pour cet ésotérisme ne fut pas antérieur à 1730. Quant à l’usage du mot « mystère » dans les anciens documents maçonniques, il faisait référence à deux phénomènes conjoints : le caractère secret de la réception en loge, et l’ésotérisme implicite de la symbolique biblique du rite.
** Renvoyer à de l’implicite est fréquent chez Négrier. On préfèrerait de l’explicite, du tangible. On observe en tout cas chez lui une confusion entre ceux qui connaissent le Mot et ceux qui en ont entendu parler sans le posséder eux-mêmes. De plus, les mystères de la franc-maçonnerie sont, dans les usages linguistiques du dix-septième siècle, de même nature que ceux qu’on suppose dans un ordre religieux, dans un métier ou dans n’importe quelle groupe ayant une sociabilité typée. Ces mystères sont tout simplement relatifs aux règles et habitudes de ce groupe. Tant qu’on n’y est pas entré, on les ignore. Une fois qu’on est entré, on les découvre. Pas d’ésotérisme, par conséquent, si l’on comprend sous ce mot un ensemble de connaissances qui invitent à une quête hors des domaines du savoir accessible à n’importe qui.
– 29 : La référence d’Anderson à l’obligation de secret relativement au temple de Salomon faisait référence au caractère secret du Mason word qui servait à communiquer les noms des deux colonnes du temple.
** Cela s’appelle une affirmation péremptoire. La formule Mason Word ne se trouve jamais dans les écrits d’Anderson, ni même une quelconque mention explicite des colonnes du temple de Jérusalem. Négrier prête à l’auteur des Constitutions sa propre pensée. Il ne peut même pas ici référer à de l’implicite.
– 43 : Le Livre des marques d’Aberdeen ne suggère pas qu’il y aurait eu 2 loges dans cette ville mais que cette loge passa des Old charges au Mason word.
** Comme son nom l’indique le livre des marques contient les symboles personnels des membres de la loge d’Aberdeen. A partir d’elles, on ne peut rien interpréter sur le passé de cette loge. Elles sont répertoriées de la manière suivante : à gauche un numéro d’ordre, ensuite le nom du membre et sa profession, enfin sa marque.
Les autres archives de la loge sont postérieures à 1670. Elles ont fait l’objet d’un tri très sélectif avant d’être reliées en 1748 dans le même livre. Il n’est donc pas possible de savoir ce qui s’y passait avant, et certainement pas si les Old Charges étaient en faveur. Une loge opérative existait dans la ville au moins jusqu’en 1541. Ses propres archives ont été brûlées. Le texte intitulé The Measson Charter est de la main du père de James Anderson, artisan vitrier. Il est de provenance anglaise, comme le confirment plusieurs passages du texte.
– 43 : K. qualifie le Mot de maçon « d’extérieur au métier ». Impossible : l’Edinburgh register house de 1696 se réfère à la durée du travail hebdomadaire des ouvriers opératifs : « to attend my masters service at the honourable lodge, from munday in the morning till saturday at night”.
** Impossibilité n’est pas le bon mot quand on fournit la date de 1696 pour avancer une objection. La question est de savoir ce qu’on sait du Mot de Maçon quand il apparaît pour la première fois dans l’histoire britannique. Au cours des années 1630, il circule « parmi la noblesse », comme on peut l’établir grâce au témoignage du comte de Rothes. Négrier ne se pose pas la question de l’appropriation du mot dans les années qui suivent par des loges qui en ignoraient alors l’existence. Il ne se soucie pas davantage de savoir si le Mot de Maçon existe encore dans les loges opératives du dix-huitième siècle. C’est du reste une lacune chez lui que de ne pas mener ses investigations du côté des artisans et ouvriers francs-maçons de métier qui sont restés sans liens avec les loges spéculatives.
– 49 : K. n’a pas vu que l’attribution du qualificatif « gothique » aux Old charges tenait simplement au fait que sous le voile d’allégories ces textes traitaient de l’origine typologique (salomonienne) et des vicissitudes historico-géographiques de l’art gothique.
** Tant que ne sont pas décrites les dites vicissitudes historico-géographiques de l’art gothique, un tel propos demeure inintelligible. Je me borne à constater qu’Anderson n’aime pas les édifices gothiques qu’il juge peu esthétiques. Et il qualifie les Old Charges par le même terme. Ce n’est même pas un sentiment qui lui est particulier. La « sortie du gothique » est un thème récurrent chez de nombreux auteurs de la Renaissance et de l’Âge classique.
– 82, 88, 124, 305 : K. se trompe en niant la transition. De nombreux faits militent en faveur de la thèse de la transition par laquelle des loges passèrent du rite des Old charges opératifs au rite du Mot de maçon qui, d’abord pratiqué par des loges écossaises opératives ou non (comme Haughfoot en 1702), sera adopté par la GL spéculative de Londres. 1. David Stevenson a retrouvé des Old charges dans quatre loges écossaises qui pratiqueront ensuite le Mason word : Kilwinning, Aberdeen, Aitchison’s Haven, et Dumfries. De fait Aberdeen passera au Mason word en 1699 ; Aitchison’s Haven en 1700 ; et Dumfries en 1710 (le Dumfries n° 4 faisait suivre une version d’Old charge d’une version du Mason word). 2 : La loge qui se réunissait à L’Oie et le grill véhiculait « l’Antiquity », un Ancien devoir de 1686 : elle fera ensuite partie de la GL de Londres qui pratiquera le Mason word.
** Je me trompe en niant la transition ? Disons que je fais partie des historiens qui jugent archives en main. D’autres avant moi ont procédé de la même manière et sont parvenus aux mêmes conclusions. Pas de transition à partir des loges de métier vers les loges dites spéculatives. Remarquons derechef que Négrier articule toute sa plaidoirie autour du Mot de Maçon, et qu’il refuse de se poser la question des appropriations survenues après la restauration de Charles II. La référence chronologique la plus ancienne relative au contenu du Mot est de 1689, soit plus d’un demi-siècle après son apparition parmi la noblesse fidèle à Charles Ier.
– 87 : Les Old charges seraient « pour l’essentiel des transpositions ou adaptations de textes produits en France ». Faux en ce que la partie essentielle des Old charges, relative à l’origine typologique et aux vicissitudes du gothique, n’a pas d’équivalent dans les textes français.
** Encore des vicissitudes dont on aimerait savoir ce qu’elles furent. Comme il ne pratique pas les archives et se contentent de compilations sélectives, Négrier ignore que de nombreux textes français et anglais sont comparables quand ils évoquent les obligations des artisans et ouvriers maçons. Mieux encore, certaines chartes ou conventions établies sur le territoire anglais sont rédigées en français. Historiquement, cela se comprend parfaitement, car l’Angleterre fut pendant presque trois siècles dirigée par des princes issus de la maison des Plantagenêts.
– 88 : K. conteste l’importance des « exégèses théologiques ou métaphysiques » au sujet des textes maçonniques. On voit qu’il n’a pas investigué la portée philosophique de la partie spéculative des Old charges, ni le positionnement théologique de l’Edinburgh register house (référence de l’attouchement des « cinq points » à la doctrine calviniste du synode de Dordrecht, et critique des Quakers à travers l’acte d’ôter ostensiblement son chapeau), ni la portée philosophique de la symbolique biblique du Mot de maçon.
** Négrier défend opiniâtrement sa thèse sur le Rite du Mot de Maçon. Si je me méfie des exégèses théologiques ou métaphysiques en général, c’est bien parce qu’elles ouvrent les portes à toutes les fantaisies. Mon contradicteur en fournit la preuve. Quant au port du chapeau dans une loge, il n’a aucune signification religieuse. Il suffit de consulter les textes relatifs à la maîtrise écossaise et aux usages de la noblesse lors des réceptions publiques et privées dans les différentes cours d’Europe.
– 91 : Si en 1599 William Schaw exhorta à trois reprises la loge de Kilwinning à cultiver la « mémoire », c’est précisément parce qu’elle refusait de continuer à pratiquer les Old charges qui faisaient mémoire d’une longue tradition culturelle passée, le fait qu’aucun Old charge antérieur à 1650 (Stirling) n’ait été retrouvé en Ecosse n’étant pas décisif comme le montre la reconstitution de l’histoire du rite en Ecosse depuis 1598 jusqu’à 1670.
** Il n’est nullement question des Old Charges dans les textes établis par Schaw. Comme il est prouvé que ces charges sont anglaises, sans contestation possible, on se demande en quoi les loges écossaises en auraient une longue tradition. La « reconstitution » convoquée par Négrier est la sienne. Il la défend, c’est logique. Mais au prix d’exégèses métaphysiques qui n’ont aucun fondement archivistique. Négrier a tendance à oublier que faire de l’histoire réclame un minimum de traces matérielles et de cohérence dans leur analyse.
– 93 : La « désaffection » pour les « connaissances cachées » au XVIIème siècle ne semble pas avoir été le cas d’Henry Adamson qui relie le Mot de maçon aux Rose-croix.
Je maintiens le mot : désaffection, certes, dans un monde où la philosophie rationaliste monte en puissance. Il est paradoxal que Négrier se déclare lui-même philosophe et méconnaisse le mouvement des idées. Faut-il rappeler que les manifestes Rose-Croix sont des parodies ?
** 93-94 : Il n’y a pas de « vide documentaire » concernant les conséquences pratiques des Statuts Schaw de 1599. L’implication de la loge de Kilwinning dans la conception et dans l’élaboration du Mot de maçon se déduit de la documentation et en particulier des liens qui rattachent Perth à Kilwinning dans un contexte de référence au Mot de maçon (Henry Adamson, 1638 ; Contrat de Perth, 1658 ; mentions du nom de la loge comme étant Kilwinning dans différentes loges pratiquant le Mot de maçon : Edinburgh register house, 1690 ; Chetwode Crawley 1700 ; Airlie 1705 ; Kevan 1714-20 ; habitude de certaines loges pratiquant le Mot de maçon d’apposer le nom de Kilwinning à leur propre nom).
** On risque d’attendre longtemps la démonstration que la loge de Kilwinning a participé à la conception et/ou élaboration du Mot de Maçon. Dans la seconde moitié du dix-septième siècle, les références à Kilwinning ne disent en aucun cas que le Mot en provient. Simple extrapolation de Négrier qui la transforme en déduction, selon un tour de passe-passe dont il est coutumier.
– 98 : La partialité de K. biaise son analyse puisqu’au sujet du Contrat de Perth de 1658 il ne mentionne pas les deux informations décisives : la référence typologique au « temple des temples » (celui de Salomon dont les noms des colonnes sont communiqués au Mot de maçon) et la reconnaissance d’une filiation historique entre la loge de Perth et celle de Kilwinning.
** Même commentaire que ci-dessus. Est-ce que le contrat de Perth dit que le Mot vient de Kilwinning ? Que nenni ! Aucune allusion au Mot. Et l’expression « temple des temples » est bien insuffisante pour évoquer les colonnes de celui de Jérusalem, dont il n’est pas question, non plus. Le piquant de cette référence vient de ce que ce document est celui qui cite nommément Jacques VI (Jacques Ier d’Angleterre) come ayant été reçu dans la loge de Scone en 1601. Mais cela, Négrier se garde bien de le dire. Il présume dans un texte des informations qui n’y sont pas, mais écarte celles qui y sont.
– 99-100 : K. nie que l’expression « made a free mason » signifiait qu’Ashmole avait été reçu rituellement en loge. C’est pourtant ce verbe « faire » (make) qui était utilisé par les Old charges pour désigner la réception rituélique en loge.
** Le « philologue impartial », ne se préoccupe pas des expressions anglaises qui, hors de la franc-maçonnerie, emploient le verbe « to make ». Négrier omet de préciser que je fais une distinction entre réception en loge et initiation. Ashmole ne parle pas d’initiation. Ce terme a pris bien après lui un sens auquel on ne songeait même pas encore au temps d’Anderson. Faut-il ajouter, comme n’importe quel lecteur pourra le vérifier, qu’aux pages indiquées je ne parle pas de rite/rituel, ni a fortiori de réception rituelle. Il existe des réceptions rituelles dans de nombreuses institutions de l’époque (chevalerie, offices royaux, etc.). Personnellement, je n’ai pas employé ce terme. Donc, chez cet auteur : impartialité douteuse et philologie factice.
– 104 : Un auteur de 1737 pour un évènement de 1660 n’est pas un témoin et n’est donc pas fiable. On ne peut utiliser son propos comme argument.
** Négrier récuse un correspondant du pasteur George Kelly qui, en 1737, écrit que la franc-maçonnerie des stuartistes s’est institutionnalisée en 1660 après la restauration de Charles II. D’après lui, l’écart de temps doit inspirer le doute sur la validité de ce témoignage. Très étrange ! Toute la démonstration de Négrier à propos du Mot de Maçon consiste à employer une grande majorité de documents largement postérieurs aux faits qu’il estime originels (entre 1628 et 1637). On doit donc lui retourner la critique et considérer que ses analyses manquent de fiabilité. La branche sur laquelle il est assis depuis de longues années menace de rompre à tout moment. Pour vérifier les écarts de temps qui, venant de lui, ne lui inspirent aucune émotion, il suffit de relire ses notes critiques. On appréciera par ailleurs qu’il lui arrive dans certains de ses ouvrages d’attribuer à Jésus des paroles ou des actes en s’inspirant de textes largement postérieurs à la crucifixion. Est-ce pertinent ?
– 114-115 : Non pas « vers 1696 » : en 1695, donc un an avant que le duc de Richmond « soit soupçonné de servir la cause jacobite ». Un soupçon n’est pas un fait et ne peut être utilisé comme argument.
** Négrier fait allusion au passage des Constitutions dans lequel Anderson cite le premier duc de Richmond comme grand maître des francs-maçons anglais pendant le règne de Guillaume d’Orange. Deux pages sont relatifs à cet événement (107 et 141). Dans la première, Anderson dit que Richmond s’est rendu en 1695 à une assemblée générale pour son élection. Dans la seconde, aucune date, sinon la vague indication du règne de Guillaume. Anderson ajoute que l’architecte Wren succéda à Richmond en 1698. Il l’aurait également précédé à la même fonction. Du coup, arrangez cette chronologie comme vous pouvez. Les imprécisions d’Anderson sont suffisamment notoires pour n’être pas acceptables telles quelles. Quant au soupçon visant le duc de servir la cause jacobite, il participe autant que n’importe quelle autre information à l’écriture d’un récit historique. Il n’est d’ailleurs pas de mon fait, mais des officiers du roi chargés du contre-espionnage. Cela éclairci de mon côté, j’aimerais savoir la distinction établie par Négrier entre un soupçon est une supposition. Souvent, il emploie lui-même des adverbes d’indétermination quand il extrapole à partir d’indices ténus (probablement, vraisemblablement, peut-être…). Sans être sûr de son fait, il présume, il croit. Bref, il adopte une posture proche du soupçon, si bien qu’une fois de plus sa critique se retourne contre lui : des hypothèses vagues ne constituent pas des arguments. Pour écarter une éventuelle méprise, je rappelle que je ne crois pas en une grande maîtrise du duc de Richmond, ni en 1695 ni en 1696-1697. Anderson nous égare. Le seul fait attesté par un témoignage enregistré par la Grande Loge de Londres, le 2 mars 1732, est qu’il fut à la tête d’une loge à Chichester 36 ans plus tôt, donc en 1696. Le témoin interrogé, Edward Hall, y a été fait maçon (made a Mason) par le duc cette année-là. C’est ainsi que l’année 1696 est à retenir sans exclure un avant ou un après, d’où le vers qui signifie environ.
– 117-118 : K. qualifie l’Edinburgh register house (1696) de « parodie ». Ce n’était pas le cas pour 2 raisons. 1. Conformément à la tradition des arts de mémoire le Mot de maçon se composait d’images allégoriques (en l’occurrence uniquement verbales en raison de l’iconoclasme du calvinisme confessé par les loges écossaises pratiquant le Mot de maçon), et l’ensemble des images verbales de ce catéchisme était conforme à ce contexte grammatologique. 2. L’ensemble des dispositions de ce rituel seront fidèlement reprises par les textes postérieurs constituant la tradition du Mot de maçon.
** Encore de la rétrodiction : les textes postérieurs sont convoqués pour justifier l’interprétation aventureuse d’un texte antérieur. En outre, on aimerait savoir ce qu’est un contexte grammatologique. Négrier emploie des termes sans les définir. Pense-t-il à Ignace Gelb, à Jacques Derrida ? Allez savoir. Quant à la tradition des « arts de mémoire », seul Négrier sait ce qu’elle est. Et je fais le pari qu’il l’a imaginée à partir de livres, pas à partir de ce que la mémoire de prédécesseurs lui aurait communiqué. Et pour cause !
– 118 : K. affirme qu’en 1696 la loge de Chichester n’était pas un « cas isolé ». Mais qu’est-ce qui justifie cette comparaison avec l’Edimbourg de 1696 qui pratiquait le Mot de maçon ? Est-ce que par hasard la loge de Chichester pratiquait elle aussi ce rite ? Si ce ne fut pas le cas, la comparaison n’a pas lieu d’être.
** Dans la logique d’Anderson, si Richmond fut élu grand maître en 1695 ou 1696, voire 1697, c’est que la loge de Chichester n’était pas la seule en activité en Angleterre. Et si la révélation de 1696 concernant le Mot de Maçon concerne la loge de Kilwinning, ce qui reste à vérifier, c’est qu’elle n’est pas isolée en Ecosse, non plus. Bien sûr, je ne dis nulle part qu’à Chichester le Mot est connu. La comparaison ne porte pas sur ce point, mais sur la concomitance des informations qui orientent la recherche historique sur la piste des loges spéculatives. Edward Hall lui-même, selon ce qu’il dit de son passé en 1732, nous reporte en 1696. Quid plura ?
– 120-122 : L’image de 1616 montre non pas 2 piliers mais 4 colonnes et n’implique donc aucune référence aux 2 colonnes Bo’az et Yakin. L’analogie entre le roi Jacques Ier et le roi Salomon est un lieu commun de la rhétorique relative aux rois chrétiens : elle n’a donc en soi aucune implication maçonnique et ne peut par conséquent servir d’argument dans l’historiographie de la maçonnerie. Par ailleurs malgré sa structure et ses analogies avec les tableaux de loge, l’image de 1611 n’était pas un diagramme et ne peut par conséquent être présentée comme un modèle des diagrammes maçonniques que seront les tableaux de loge tracés au sol, sans compter que les premiers tableaux de loge (1724-1737) ne représenteront que les trois marches, les deux colonnes, et le pavé mosaïque ; le soleil et la lune n’étant apparus que plus tard. « L’univers symbolique » qui « se met en place » sous Jacques Ier n’a donc en soi aucun rapport historique avec la maçonnerie, et si les créateurs du Mot de maçon empruntèrent des symboles, ce fut d’abord au texte de la Bible plutôt qu’aux images de 1611-1612. De fait il faut être aveugle pour reconnaître 2 colonnes dans l’image de 1611 qui ne montre en réalité que 2 renfoncements faisant fonction de niches. Il semblerait que K. soit victime du démon de l’analogie.
** Socrate avait son démon, j’ai le mien, paraît-il. Soyons moins frivole. Le principe de représenter des colonnes encadrant un thème qu’on souhaite mettre en valeur est fréquent aux seizième et dix-septième siècles, et il ne concerne pas que la franc-maçonnerie, loin de là. Il est emprunté aux descriptions littérales de la Bible. Ces colonnes sont parfois cylindriques, parfois carrées. Parfois pleines, parfois creuses avec statues en ornement. Patrick Négrier semble peu informé des habitudes souvent mimétiques des graveurs à cette époque. Au demeurant, il n’existe pas de diagramme maçonnique au dix-septième siècle. Négrier ne peut en exhiber un seul ; ceux auxquels il se fie sont du dix-huitième. En outre, il ignore que certaines représentations des colonnes du temple de Jérusalem admettent autant 2 que 4. La preuve est facile à apporter. Il existe au musée d’Israël, à Jérusalem, une pièce de monnaie fabriquée pendant la révolte de Bar Kokhba. Sur l’avers est une figure du temple. Le revers évoque le Soukkot. Au centre de l’avers est figuré le temple de Jérusalem. Au milieu est posée l’arche d’alliance. A l’entrée, de chaque côté, sont deux paires de colonnes cylindriques, ce qui fait quatre en tout. Et voilà, comment le démon m’inspire. Je préfère me fier à des représentations anciennes, archéologiquement authentifiées plutôt qu’à des extrapolations tardives dans le cadre de diagrammes inconnus. Je rappelle que la révolte de Bar Kokhba se situe entre 130 et 135 environ. La présence de l’arche d’alliance dans la taille de la monnaie garantit que, pour ceux qui l’ont ainsi conçue, il s’agit bien du temple de Jérusalem. Donc 2 ou 4, où est Jakin et où Boaz ?
Faut-il par ailleurs rappeler que je ne situe pas l’apparition de la FM sous le règne de Jacques Ier, ce que Patrick Négrier tend à faire croire. Je dis seulement que sous ce règne se constitue un arrière-plan littéraire et symbolique qui nourrira après coup les partisans de son fils Charles Ier.
– 123 : En réalité dans les Constitutions de 1738 Anderson fait plusieurs allusions discrètes à des éléments du Mot de maçon (« communications qui ne doivent pas être écrites », « signes et attouchements », « sagesse, beauté, force », méthode géométrique symbolisée par la lettre G, et légende de la mort et de l’inhumation de maître Hiram).
** Des allusions discrètes, des implicites, des probabilités, cela fait beaucoup d’indéterminations. Négrier voit dans les publications maçonniques d’Anderson ce qui échappe aux autres lecteurs. Son obsession est constante de trouver des éléments épars de quelque chose et de les mettre en relation selon un schéma qui n’appartient qu’à lui. D’où son penchant pour les diagrammes, c’est-à-dire pour des figures censées mettre en représentation synoptique des éléments de rituel introuvable.
– 125 : Bertin du Rocheret (1693-1762) ne peut témoigner d’un évènement de 1689. Son propos ne peut servir d’argument en historiographie.
** Même objection que pour le correspondant de George Kelly en 1737. Qui se retourne aisément : tous les textes postérieurs à 1650 ne peuvent être convoqués par Négrier pour légitimer sa théorie aventureuse sur les origines antérieures du Rite du Mot de Maçon. Il ne peut pas récuser chez autrui un procédé qu’il estime valable pour lui-même.
– 130-131 : La maçonnerie est présentée en 1714 comme étant « éminemment jacobite », et cela sur la seule base d’une lettre, celle du 29 octobre (page 128) : il y a de quoi rire !
** Une lettre de 1714, une autre de 1716, le témoignage de Bertin du Rocheret, celui du correspondant de Kelly, les confidences de Ramsay sur le rôle du général Monck, la réception d’Ashmole en 1646, la réprobation des rebelles de 1715 chez Anderson, etc. Rions, rions !
– 137 : Jean-Théophile Désaguliers n’était pas un « pasteur huguenot » mais un prêtre anglican. Confusion regrettable.
** Desaguliers était de famille huguenote, que je sache. Et d’autres huguenots fréquentaient les loges de Londres, qui n’étaient pas pasteurs.
– 137 : K. nie dans les Old charges une « action concertée de plusieurs hommes en un même lieu pour promouvoir une loge » : faux ! Les Old charges décrivent tous le rite accompli par plusieurs hommes pour « faire un maçon » en loge. Le Dowland expose en effet en 1500 : « Il en fit un livre sur la manière dont la science fut inventée. Et lui-même ordonna qu’on le lirait [en silence] ou à voix haute quand on ferait un maçon pour lui donner son Devoir… ‘Alors un des anciens tient le livre afin que le ou les [récipendaires] pose ou posent la main sur le livre et ensuite les préceptes doivent être lus’ ».
** Les Old Charges ne décrivent pas un rite, mais disent quelles sont les obligations des maçons opératifs. Cela réduit le rite, si l’on y tient quand même, à pas grand-chose. Certains documents passent même ce moment sous silence. Pour ce qui concerne les prestations de serment en dehors du métier de la maçonnerie, avec nécessité de croire en Dieu, voir Shakespeare, et à l’occasion le Livre des Métiers conçu en 1268 par Etienne Boileau, prévôt de Paris.
– 149 : « Rituel de haut grade » en 1734. Cela mérite des explications avec preuves à l’appui !
** N’est-ce pas Montesquieu qui rend visite en 1734 à l’abbé François de Fitzjames, lequel le fait un peu patienter dans son salon en lui donnant à lire un rituel ? N’est-ce pas Montesquieu qui dit clairement que c’est un rituel. Oui ou non ? Fitzjames, comme par hasard, appartenait à une famille jacobite exilée et très impliquée dans les projets de reconquête.
– 151 : En 1709 à Londres Richard Steele connaît l’existence des « signes et attouchements des francs-maçons » qu’il utilise en mauvaise part comme élément de comparaison. Mais cette information ne prouve : ni que le Mot de maçon existait à Londres en 1709 (il n’existait alors qu’en Ecosse), ni qu’il fut le fait de « frères grandis dans le sillage des Stuarts ».
** Cela tourne à l’idée fixe. Je ne parle du Mot de Maçon, je parle de signes de reconnaissance. Steele écrit « signes et attouchements ». Donc, je ne me préoccupe guère ici de savoir si ce Mot existait ou pas à Londres en 1709. Je constate seulement que cette année-là Steele parle de francs-maçons qui sont imités par des jeunes gens quelque peu efféminés.
– 152 : Le fait qu’Anderson ait rebaptisé la chanson des apprentis en introduisant le qualificatif « enter’d », caractéristique de la maçonnerie écossaise, atteste qu’Anderson connaissait l’origine écossaise du Mot de maçon. K. prétend que cette chanson éditée en 1722 était « connue depuis 1710 ». Sur la foi de quel document ?
** Son auteur est mort en décembre 1722 avant la publication des Constitutions. Il était comédien chanteur. Sa chanson est contenue dans des feuilles de musique conservées par le British Museum et datées par les experts vers 1710. Ce vers là (circa) indispose aussi notre philologue impartial. Soit dit en passant, on aimerait savoir quelle est la consistance de cette pseudo critique dans l’économie générale d’une controverse.
– 157, 160-162, 166 : La loge de la cathédrale Saint-Paul « n’avait pas à être abritée par une taverne », et « à partir de 1708 » elle n’avait plus de « raison » d’exister : faux ! Le fait qu’elle véhiculait l’Ancien devoir « Antiquity » (avec lequel elle avait reçu Wren en 1691) montre d’une part qu’elle pratiquait le rite des Anciens devoirs, ce qu’elle ne pouvait faire que dans l’arrière-salle d’une taverne, et d’autre part qu’elle exista après 1708. K. prétend que la loge « Antiquity n° 2 » n’avait pas de « tradition » : si, elle véhiculait un Ancien devoir de 1686.
** Que feraient donc des maçons opératifs dans une arrière salle de taverne s’il s’agissait pour eux de consacrer leur réunion à la pratique du métier ? Est-ce qu’ils y apportaient leur pierre à tailler ? Est-ce qu’ils avaient abandonné les baraques de chantier ? Ces questions ne semblent pas troubler Négrier. Pour lui, le fait de posséder une copie d’Ancien devoir suffit à manifester l’entretien d’une tradition. Je m’interroge sur les sources dont il s’inspire, surtout en osant dire comment Wren fut reçu. Le plus ancien registre de la loge Antiquity n° 2 commence par des reconstructions de minutes établies à partir de 1721. Lesquelles mentionnent un report au document de 1686 ? Il serait intéressant de le savoir. D’ailleurs, soyons attentifs à la date de 1708 : cette année-là, il n’y a plus de maçons opératifs à œuvrer sur la cathédrale, puisqu’elle est achevée. Négrier réussit l’exploit imaginaire de réunir dans une auberge des protagonistes qui ont quitté le quartier.
– 158 : Il est faux de dire que les deux listes de loges des Constitutions de 1738 n’ont pas de « lien entre elles ». Au contraire elles se recoupent et se superposent parfaitement.
** Deux énumérations de loges anciennes ayant fonctionné à Londres sont proposées par Anderson. Dans la première, il n’est jamais question de taverne où ces loges auraient eu leur siège ; dans la seconde, les tavernes sont citées. Pour faire des superpositions « parfaites », il faut donc être capables de faire parler les silences d’Anderson. Je reconnais humblement n’avoir aucun don pour la ventriloquie.
– 171-172 : La thèse d’un Anthony Sayer transfuge du jacobitisme est totalement aventureuse et ne mérite pas même un regard.
** Notre philologue impartial affectionne la subversion des concepts. Je ne parle pas de thèse mais d’hypothèse. Je la présente comme telle et prévient le lecteur qu’elle peut être invalidée en cas d’information contraire qui reste à découvrir. Négrier ne la fournit pas. Il est vrai qu’il n’a fait aucune recherche dans les archives civiles de Londres.
– 183-185 : La loge de Dumfries créée vers 1686 ne pratiquait pas encore le Mot de maçon mais les Anciens devoirs. Qu’elle ait été jacobite est fort possible puisque sa version du Mot de maçon sera catholicisante à la différence des autres catéchismes de ce rite (qui était d’origine calviniste presbytérienne). Mais la pratique du 27 décembre n’avait dans cette loge écossaise de Dumfries absolument aucun rapport avec la cause jacobite : c’était la date traditionnelle à laquelle les loges écossaises recevaient leurs apprentis, l’Edimbourg de 1696 ayant conservé le souvenir de cet usage puisqu’il faisait jurer le nouvel apprenti par « Saint Jean » l’évangéliste. Mais le fait que la loge de Dumfries était jacobite ne signifie pas qu’avant 1714-1717 toutes les loges écossaises pratiquant le Mot de maçon étaient jacobites : UNE seule loge ne fait pas LA maçonnerie.
** Objection irrecevable puisqu’elle est encore cristallisée sur le Mot de Maçon, avec cet inconvénient aux yeux de Négrier que la plupart des membres de la loge de Dumfries sont catholiques. Cela le dérange souverainement en raison de son affection pour les presbytériens calvinistes. Il en est effectivement bien dérangé car il m’impute d’affirmer que toutes les loges d’Ecosse sont jacobites, ce qui est contraire à tout ce que j’ai écrit sur le sujet. Quant au 27 décembre, ne lui déplaise, c’est bel et bien la date où les loges jacobites procédaient à l’élection de leurs officiers, y compris en France, car les premiers grands maîtres jacobites de la grande loge de Paris ont tous été élus ce jour-là.
– 217-219 : K. se demande si on peut qualifier Mary’s chapel de « conservatoire de la tradition des anciens opératifs ». Son vocabulaire trahit le fait qu’il ne maîtrise pas la question en omettant de poser la question des deux rites alors existants. Mary’s chapel pratiqua les Anciens devoirs avant d’adopter en 1715 le Mot de maçon. Quelle qu’ait été la nature opérative ou spéculative des maçons composant alors cette loge, cela n’ôte rien au fait que le Mot de maçon fut d’abord pratiqué par des Ecossais opératifs (exception faite pour la loge spéculative de Haughfoot de 1702) avant d’être adopté, au plus tard en 1718, par les spéculatifs de la GL de Londres (en effet le fait qu’en 1718 Payne ait demandé qu’on lui apportât des Anciens devoirs « dans le but de montrer les usages des anciens temps » suffit à attester qu’en cette année la GL de Londres ne pratiquait plus les Anciens devoirs mais le Mot de maçon). K. se demande sur quels « tous points » Désaguliers fut reconnu en 1721 par les membres de Mary’s Chapel. La réponse est simple : comme l’indique la lecture de l’Edimbourg de 1696, la figure des « points » appartenait au vocabulaire du Mot de maçon et c’est donc sur les points de ce rite que Désaguliers fut reconnu à Mary’s Chapel comme « pleinement instruit en tous les points de la maçonnerie » du Mot de maçon qu’elle pratiquait depuis 1715 (cf. la documentation historique de Harry Carr sur le Mason word).
** Notre philologue impartial ignore que les anciens textes français parlent aussi des « points » sur lesquels il faut interroger les apprentis du métier avant de leur conférer la maîtrise. Il répète inlassablement que la grande loge de Londres adopta le Mot en 1718, mais ne fournit aucun document pour le prouver. Ses extrapolations sur les autres loges sont tout aussi fantaisistes. Notons du reste qu’il jongle avec les dates, puisque dans La Tulip il attribue aussi à Anderson d’avoir introduit le Mot à la GL de Londres en 1714 alors qu’elle n’existe pas encore !
– 224 : Sur le frontispice de Pine dans les Constitutions de 1723 le dessin renvoyant au théorème de Pythagore « consolide l’idée que ce sont les architectes qui en imposent » : non ! Ce dessin renvoyait à la méthode géométrique mentionnée au début des Constitutions : « Liberal sciences, particularly Geometry… and which… have been drawn forth into a convenient Method of propositions… so that as the mechanical arts gave occasion to the learned to reduce the elements of Geometry into Method, this noble Science thus reduc’d”. Cette méthode géométrique était un modèle de rationalité utilisé par les philosophes déistes du XVIIème siècle. Le frontispice de Pine ne montrait donc pas le triomphe des architectes mais celui des philosophes rationalistes.
** Négrier semble avoir découvert un lien entre des philosophes déistes et le pasteur Anderson. Sa démonstration est plutôt courte. Quel est l’usage philosophique du théorème de Pythagore, s’il vous plaît ? Anderson dit lui-même, très clairement, que ce théorème est appliqué de bonne heure en Grèce par les « arts mécaniques » (mechanical Arts), d’une part, et il dit tout aussi explicitement que la géométrie est l’autre nom de la maçonnerie dont les architectes sont les meilleurs connaisseurs, d’autre part.
– 224-225 : L’histoire de la culture montre que les deux piliers antédiluviens mentionnés dans les Old charges appartenaient à une généalogie de figures analogues dont l’un des maillons fut les deux colonnes Bo’az et Yakin, modèles des deux tours des façades occidentales des cathédrales gothiques.
** Là, je crains que le démon de l’analogie ait sournoisement migré vers Négrier. Dans le mythe biblique, les piliers antédiluviens, l’un de pierre (marbre ?) et l’autre de brique, n’ont rien à voir avec quelques colonnes d’un temple. Ils sont conçus pour que l’un résiste au feu, l’autre à l’eau. Ils sont gravés comme pouvaient l’être les obélisques égyptiens, afin d’assurer la transmission des connaissances acquises avant le déluge. Que je sache, les obélisques sont souvent isolés, sans servir de soutien à quelque élément d’architecture placé au-dessus. Et pourquoi en ériger deux avec les mêmes gravures ? Parce qu’un malheur est annoncé, qui viendra soit par le feu soit par l’eau. L’idée est de faire en sorte qu’un au moins échappe à la destruction (1 ne fait pas 2). Sachant ce que j’ai dit de la monnaie juive du deuxième siècle, qui montre quatre piliers, je laisse Négrier nous expliquer quels sont les ressorts de ses calculs symboliques.
– 226 : Le frontispice montrait-il vraiment l’épisode d’Ex. 14 ? Possible sans être certain.
** Plus que possible quand on examine d’autres gravures non maçonniques sur le même thème.
– 234 : Règlements généraux de 1723 « dérivés de sources jacobites ». Lesquelles, documents à l’appui ?
** Quel est le rôle du duc de Wharton en 1722, alors qu’il est grand maître de la Grande Loge de Londres ? Négrier refuse d’aborder la question. Quel est le lien entre Wharton et le duc de Mar en 1716, quand la GL de Londres n’est pas encore inventée ? Je le dis dans le livre. Il suffit de le lire sans précipitation.
– 237 : Les mentions de la géométrie dans les Constitutions ne venaient pas seulement des Anciens devoirs mais de la référence à la méthode géométrique utilisée en philosophie par Platon (République VII) puis par les philosophes déistes du XVIIème siècle (Descartes ; Spinoza ; elle sera réutilisée par Ramsay dans un travail édité en 1748-49).
** Anderson ne cite pas Platon, ni Descartes, ni Spinoza. Donc, il est surprenant de lui imputer des inspirateurs qu’il n’a d’ailleurs peut-être pas lus. Je me demande aussi en quoi l’épithète déiste est applicable au deux derniers.
– 237-238 : L’interprétation de l’article I des « Devoirs » comme obligation de croire en Dieu ne tient pas compte du rôle sémiotique de la conjonction if (« si ») qui définit une éventualité et contraint à resituer l’ensemble du propos dans le contexte d’une situation porteuse d’une alternative entre deux cas également possibles et donc tous deux admis.
** La locution anglaise « if » ne marque pas ici une éventualité mais une conditionnalité. Un franc-maçon doit bien comprendre l’Art, auquel cas il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux.
– 238 : Dans les « Devoirs » de 1723 l’ensemble de l’article 1 se situait dans le registre de l’éthique (obligation de respecter la loi naturelle) ; le substantif « athée » relevait du registre théologique ; le substantif « libertin » renvoyait au sens qu’il avait avant 1723 : celui de « déiste », et il relevait donc du registre philosophique et plus précisément métaphysique (un déiste est un rationaliste qui recourt aux seules lumières naturelles pour prouver rationnellement l’existence de Dieu).
** Avant 1723, il y a une variété de déistes qui ne répondent pas à la même définition. C’est ce que rappelle entre autres Samuel Clarke. La définition de Négrier pêche donc par son caractère expéditif. Je rappelle que Calvin réprouvait sévèrement les libertins qu’il n’assimilait pas d’ailleurs automatiquement aux déistes. Il est donc curieux de déployer une vaste fresque autour des calvinistes qui auraient inventé le Mot de Maçon pour en arriver à oublier l’enseignement de Calvin au moment d’analyser les Constitutions.
– 255 : Le pasteur de l’oeuvre de Hogarth parle dans une église et non dans une assemblée maçonnique. Il n’y a donc pas de raison suffisante pour y reconnaître une image du pasteur Anderson.
** Je compare plusieurs gravures de Hogarth dont celle des Gormogons dans laquelle la plupart des chercheurs reconnaissent Anderson. La comparaison est très instructive, et permet de voir le même personnage dans la scène de La Congrégation endormie (Sleeping congregation).
– 264 : Cette fois-ci Kervella passe les bornes ! Il insinue que le catéchisme de 1724 (« Grand mystère etc. ») était « jacobite ». Sur quel indice fonde t-il cette allégation ? Il ne se rend même pas compte que la forme « Irah » relative au « maître qui gouverne la loge » résultait d’une défaillance d’écriture, de lecture et de transcription. Un peu de bon sens ! Relisons la tradition. 1725, Institutions des francs-maçons : le « maître qui dirige et gouverne la loge » est « Iehovah le pilier de droite ». Autrement dit la soi-disant forme Irah n’était en 1724 qu’une déformation involontaire de Ivah, abréviation de Iehovah. Et Kervella de prétendre « corriger » Irah en « Hiram » en ajoutant « bien sûr ». Est-ce ainsi que les historiens apprennent à lire les textes sur les bancs des Universités ?
** Socrate savait mieux manier l’ironie. J’ai tendance à penser que, à l’oreille, Irah se rapproche bien plus d’Hiram (parfois écrit Iram) que de Ivah qui dériverait de Iehovah. Dans le catéchisme cité, la question est de savoir « qui dirige et gouverne la Loge et en est le Maître ». J’ignorais qu’on pouvait attribuer ce rôle à Jehovah. Pis encore, quel est le sens d’un catéchisme qui place un nom divin sur un pilier et, du même coup, en diminue la valeur symbolique ? A qui attribuer l’autre pilier ? Négrier produit un autre catéchisme de 1725 pour justifier la lecture Ieovah. D’une part, j’ignorais qu’un texte postérieur à un premier peut en constituer par tradition un argument explicatif (une tradition précède toujours, n’est-ce pas ?). D’autre part, il n’est pas superflu de rappeler que, dans la plupart des autres catéchismes, le pilier de droite porte le nom de Jakin (Jachin). Négrier ne nous explique pas comment Jakin devient Ieovah dans le manuscrit de 1725.
– 267-272, 308 : Le texte sur les Antédiluviens ne peut aucunement être daté de 1726. Il contient beaucoup trop d’éléments apparemment empruntés à la Maçonnerie disséquée de Samuel Prichard de 1730 (notion d’Antédiluviens, Jean-Baptiste le Précurseur qui traça la première ligne parallèle, la signification de la lettre G, l’histoire du fils de la veuve tué par un coup de mailloche, son inhumation, la règle de trois, la cassia, la tombe de mousse). Parmi ces 8 éléments, 2 apparurent dans le Wilkinson de 1727 (lettre G et tombe d’Hiram), et les 6 autres dans la divulgation de Prichard en 1730. On ne peut donc dater la « Maçonnerie Antédiluvienne » qu’au plus tôt après octobre 1730, date de la parution du Dissected. C’est pourquoi il faut réviser l’ensemble de la démonstration des pages 267-272 et 308.
** Comment décider d’un emprunt. Qui emprunte à qui ? La date de 1726 est déjà discutée par Douglas Knoop, mais admise comme non incompatible avec le contenu du texte. C’est aussi ce que j’en conclus. Il serait intéressant de savoir de qui Prichard s’est lui-même inspiré.
– 272 : Le fait que Mar ait possédé le Mot de maçon en 1714 ne signifie pas que ce Mot était jacobite car à ce compte-là tous les praticiens (depuis 1637) et tous les catéchismes (depuis 1696) de ce Mot devraient être considérés comme jacobites, ce qui est à la fois statistiquement impossible et contraire à la documentation qui situe les témoignages du XVIIème siècle sur le Mot de maçon dans un contexte de nature spécifiquement religieuse (en l’occurrence calviniste). Dans ma fréquentation de ces textes je n’ai jamais décelé le moindre élément jacobite, mais seulement des confessions de loyalisme sans aucune coloration partisane.
** Et voilà la confusion qui persiste entre ceux dont on sait qu’ils connaissent le mot, et ceux qui en connaissent seulement l’existence. Négrier peut-il une fois pour toutes établir une distinction et éviter de tout mélanger, surtout en présumant la présence du Mot dans des documents qui n’y font aucune allusion ?
– 295 : En 1727 « aucune » « loge de Londres » ne se compose « d’ouvriers ou d’artisans ». C’est vite dit. En 1730 un catéchisme du Mot de maçon imposera à la loge d’avoir en son sein au moins « One of them must be a Working Mason » (Le Mystère de franc-maçonnerie).
** En réalité, j’ai écrit : « Quelle est la loge de Londres, cette année-là, qui peut être raisonnablement considérée comme formée partiellement ou totalement d’une quelconque communauté d’ouvriers ou d’artisans ? Aucune. » Le commentaire de Négrier est donc l’œuvre d’un philologue très partial. D’abord, il reprend un extrait du catéchisme Le Mystère de franc-maçonnerie : « One of them must be a Working Mason ». J’ignorais que l’expression « l’un d’entre eux » pouvait s’admettre comme désignant une communauté. Même deux opératifs, ce serait un peu court ! Ensuite, ce même catéchisme n’est pas l’expression des usages recommandés par la Grande Loge de Londres, à laquelle Anderson appartient. On ne peut donc l’invoquer pour caractériser ce que ce bon pasteur dit de ses semblables dans le même cas. Enfin, Négrier semble ne pas avoir consulté les listes nominatives des loges londoniennes, telles qu’elles sont enregistrées par les différents secrétaires de la Grande Loge. Il verrait en effet a) qu’aucune loge opérative ne s’y trouve, b) qu’aucune communauté d’opératifs n’est présente dans une loge, c) que rares sont les loges à avoir au moins un opératif en leur sein.
– 300 : Sous la plume d’Anderson « gothique » sous-entendrait « jacobite ». Cela tourne à l’idée fixe et à l’obsession. J’ai répondu sur ce point à la page 49.
** Avec sa partialité désormais constante, Négrier tronque mon propos. Je cite l’architecte James Gibbs, ami de John Erskine de Mar, qui qualifie lui-même sa maçonnerie de gothique.
– 302 : Le fait que la loge de la cathédrale Sant-Paul possédait « l’Antiquité » de 1686 permet de dater cette loge de 1686 plutôt que de 1691.
** Déconcertant ! Et les loges qui ont possédé des copies du Regius et du Cooke doivent-elles être datées du Moyen Âge ?
– 319 : K. évoque l’existence de « rites du système jacobite ». Si ce rite exista, il a laissé des traces. K. veut-il parler du Mot de maçon ? Dans la documentation relative à ce Mot de maçon, il n’existe aucun indice de nature jacobite. J’en conclus que ces « rites du système jacobite » n’ont jamais existé et que c’est là une pure fiction totalement inventée par Kervella qui cherche à démontrer une thèse plutôt qu’à déduire humblement de la documentation les implications qu’elle contenait.
** Evidemment qu’il n’existe rien de jacobite dans le Rite du Mot de Maçon, puisque ce rite est une invention de Négrier. Quant à la documentation, on voit bien que Négrier n’en veut pas lorsqu’elle nuit à sa pseudo démonstration. Une chose est le Mot, autre chose est l’imaginaire Rite bâti très tardivement autour, bien après la disparition des jacobites dans le paysage maçonnique. En outre, mon propos à ce moment de mon livre concerne les années 1730. Je suis stupéfait par la méconnaissance totale de Négrier des conditions dans lesquelles les premiers grades écossais ont été créés, dont celui de la Voûte Sacrée qui fait explicitement référence à Jacques VI d’Ecosse (autrement dit Jacques Ier d’Angleterre).
– 320 : K. prétend que le grade de maître serait antérieur à 1717. Il y a là confusion. Le grade de maître est mentionné chez Prichard en 1730. La seule chose qu’on peut dire c’est que lorsque l’Edimbourg de 1696 utilise l’attouchement des « cinq points du compagnonnage » et le « mot » (dont on saura par les textes ultérieurs qu’il s’agissait de M.B.) c’est pour faire passer un apprenti comme « maître maçon ou compagnon du métier », le maître désignant dans ce texte le président de la loge et le compagnon désignant un degré. En 1696 il n’y a donc pas de degré de maître car le mot maître ne désigne alors que le responsable de la loge.
** Documentation ? N’est-ce pas en 1714 que Mar est dit posséder la maîtrise ?
– 333 : K. s’interroge pour savoir si Stukeley « reconnaît ou pas l’obédience de Londres ». Pierre Mereaux a répondu à cette question. Qu’on s’y reporte.
** Cela s’appelle botter en touche. Le philologue impartial ne dit pas où Méreaux a répondu à cette question. Mais, comme il lui donne crédit, pourquoi ne pas ajouter que, selon Méreaux, « il n’existe aucun document décrivant une cérémonie d’initiation en 1721 ou avant » (p. 154 de son livre Les Constitutions d’Anderson), ce qui est va donc à l’encontre de tout ce que postule Négrier sur le Rite du Mot de Maçon, prétendu forgé entre 1627 et 1638 ? Méreaux pousse même le luxe jusqu’à ajouter que la loge de Stukeley se réunit à la taverne La Fontaine, dans le Strand, « où se réunit également depuis 1710, comme nous le verrons, un club jacobite » (p. 156) ? Le duc de Wharton, jacobite notoire, accorde d’ailleurs une visite à la loge le 3 novembre 1722.
– 338 : K. affirme qu’il existait au XVIIème siècle des « loges dont les membres sont dévoués à la dynastie des Stuart ». Mais cela ne signifie pas qu’après la fin de cette dynastie ces loges demeurèrent stuartistes. Les textes maçonniques déclarent leur loyalisme, non leur adhésion à un parti particulier (cf. page 272).
** La notion de parti n’existe pas au dix-septième siècle. Et j’écris que les loges inspirées par le loyalisme aux Stuart ont perdu leur dynamisme initial bien avant la fin de la dynastie. Reste à savoir quand Négrier situe lui-même cette fin. Il ne le dit pas. Le flou chronologique ne peut même pas être excusé dans un cheminement philosophique.
– 351 : K. s’interroge pour savoir comment Anderson peut être favorable au « noachisme sans être déiste ». Mais les deux n’ont en eux-mêmes aucun rapport et il n’y a donc aucune raison de les lier : le noachisme s’enracine dans le yahvisme biblique et se rapporte à un certain nombre de pratiques éthiques ainsi qu’à la notion de fraternité universelle, alors que le déisme est une tentative pour démontrer l’existence de Dieu et de l’immortalité de l’âme à l’aide des seules lumières naturelles comme la raison discursive hypothético-déductive.
** Définitions personnelles de Négrier, contredites par les auteurs de l’époque concernée. Déisme est une épithète flottante. Voir Samuel Clarke, entre autres.
– 357 : Earle et Anderson ne signèrent pas l’acceptation du dogme « unitarien » de l’Eglise anglicane mais celle du dogme « trinitarien ».
** Exact ! Et c’est ce que je dis moi-même à la page 340, en précisant le contexte de cette signature. Le philologue impartial est donc très partial. Cela étant, la coquille est regrettable à la page 357.
– 360 : K. évoque l’existence d’une « seconde catégorie » sociologique de maçons : celle des « militants et sympathisants de la cause stuartiste ». Mais si ce groupe social exista, quels furent : les noms de leurs loges ? l’identité du rite qu’ils pratiquaient ? les dates de leur existence ? Actuellement la documentation ne permet pas d’établir l’existence de ce groupe social. Elle établit seulement les noms et les dates de loges ainsi que les noms et les dates de textes maçonniques. Or que ce soit dans ces loges ou dans ces textes on ne perçoit pas l’indice d’adhésion à une « cause stuartiste ». Tout au plus peut-on admettre, si l’on veut bien, que la loge de Dumfries ait pu être stuartiste. Mais UNE seule loge stuartiste ne suffit pas à accréditer la thèse de l’existence d’une maçonnerie stuartiste.
** Le philologue impartial ne connaît pas le sens des mots. Une catégorie n’est pas un groupe social. Je ne vais pas réécrire la biographie d’Anderson pour souligner les passages qui concernent les francs-maçons indubitablement loyaux aux Stuart avant 1717. Et que dire de ceux d’après, comme Ramsay, dont la fidélité à Jacques III est constante jusqu’à sa mort ? Que dire des premiers grands maîtres jusqu’en 1738, tous jacobites ?
– 362 : K. situe à l’époque de Jacques Ier (+ 1625) et des Rose-croix (mentionnés par Adamson en 1638) les « premiers » « francs-maçons sans lien avec les ouvriers ou artisans du même nom ». Mais ces franc-maçons sans lien avec les opératifs ont-ils vraiment existé ? Je pense que non en raison de ce que lorsque le poète de Perth Henry Adamson (+ 1637) mentionnait des détenteurs du « Mot de maçon » en lien étroit avec la perspective de la reconstruction prochaine du pont de la ville de Perth, il pensait très probablement aux francs-maçons opératifs de sa propre ville de Perth qui se présentaient eux-mêmes dans le Contrat de 1658 comme les fils de la loge de Kilwinning elle-même associée à la figure du « temple des temples », c’est-à-dire du temple de Salomon dont les colonnes jouent un si grand rôle dans le Mason word. Il n’y a donc pas de raison suffisante pour affirmer qu’en 1625-1637 il exista des francs-maçons n’ayant « aucun lien » avec les maçons opératifs.
** Négrier omet une fois de plus que, selon le comte de Rothes, le Mot de Maçon circule parmi la noblesse écossaise. Aucune mention des opératifs dans son témoignage. Troublant, non ?
– Coquilles : sans au lieu de dans (103) ; précieuse au lieu de précise (103) ; sans au lieu de sous (109) ; rejet au lieu de rejeter (139) ; compatibilité au lieu de comptabilité (221) ; se au lieu de ce (310).
** Merci ! Corrections à faire, du moins pour celle qui sont recevables. P 103, il s’agit bien de précieuse pas de précise. La prose d’Anderson est précieuse, c’est-à-dire qu’elle a du prix. Le fait de vouloir opérer une substitution pour modifier le sens de la phrase est contraire à tout le contexte. Problème de compréhension ?
– Enfin le mépris positiviste que K. affiche pour l’épistémologie et partant pour les résultats d’auteurs qui ont traité certains des sujets qu’il aborde dans son livre dénote un manque de clairvoyance. Les présentes notes critiques aideront peut-être K. à prendre conscience des défaillances de sa propre épistémologie.
** Le sentimentalisme impressionniste relève d’une littérature de l’éphémère. J’ai beau relire les notes critiques de notre philosophe et philologue impartial, je ne vois pas laquelle lui permet de vanter sa propre infaillibilité/clairvoyance.
Kervella écrit page 35 : « Le mercredi 16 janvier 1712… [Anderson] prêche… le jour est à la fête nationale qui commémore celui où la reine Anne a ratifié en 1707 le traité d’Union ».
IMPOSSIBLE :
1. Le sermon d’Anderson porte sur un « national fast day », c’est-à-dire un « jour de jeûne national », jour triste de pénitence qui ne commémorait en rien l’heureux évènement de 1707.
2. Si l’Union devait être commémorée, ce n’était pas par un « jour de jeûne national » mais par un « jour de thanksgiving » comme ce fut le cas le 1er mai 1707 (et non un 16 janvier).
3. Des « jours de jeûne » avaient été décrétés pour implorer la bénédiction de Dieu (9 avril 1707) et le pardon des péchés (14 janvier 1707).
4. La reine Anne décrètera un jour national de « thanksgiving » le 16 juin 1713 pour remercier du traité de paix signé à Utrecht le 11 avril 1713.
5. Le « jour de jeûne national » sur lequel Anderson prêcha le 16 janvier 1712 ne commémorait donc pas l’heureux évènement de l’Union de 1707 mais invitait au contraire à la pénitence à l’occasion de la guerre de succession d’Espagne qui impliquait l’Angleterre.
J’aimerais savoir si, oui ou non, il est possible de répondre sur tous les points à Patrick N. Si c’est le cas, je peux d’ores et déjà le faire, en une seule fois, en reprenant point par point ces notes critiques, dont je rappelle qu’elles sont conçues pour légitimer le thèse de Patrick N. sur le Rite du Mot de Maçon qui n’a jamais existé. En raison de cette relance qui contredit le post 60 annonçant un terme aux échanges, je pense que je peux maintenant faire valoir un droit de réponse sur le même mode que la liste énumérative de ces notes hétéroclites.
Evidemment. Cela devient de l’acharnement.
A la page citée, j’écris : ‘Cette actualité est commandée par deux séries croisées de faits. D’une part la Guerre de Succession d’Espagne, commencée en 1701″ (Patrick N. ne fait donc que me répéter) D’autre part, l’agitation permanente des jacobites qui ne cessent de bâtir des projets d’insurrection (cela Patrick N. omet de le dire) ».
Sa philologie « impartiale » est donc très partiale. En outre, elle l’amène à parler deux fois d’un « heureux évènement ». Or, je n’emploie pas ce terme.
N’oublions pas surtout, non plus, que l’auditoire d’Anderson n’est pas anglais mais écossais (Patrick N. passe allègrement là-dessus).
Enfin, voici les mots d’Anderson le jour de son sermon: « We are looking for Peace after a long and expensive War; and for a Time of Health, after we have long groaned under many political Disorders. » Les désordres politiques ne concernent pas la guerre extérieure mais les troubles civils ayant perturbé les îles Britanniques pendant des décennies.
Et puisque, apparemment, mon droit de réponse en un seul post à l’ensemble des notes peut être acté, je vais l’exercer sous peu.
En résumé grossier et sans nuances :
Pour P. Négrier, l’origine de la FM est calviniste, quand pour AK elle est catholique et politique ;
pour P. Négrier, il existe un rite du mot du maçon, quand pour AK le mot du maçon ne sert qu’à se reconnaître (pas de rite du) ;
pour P. Négrier, il existe aussi un rite des anciens devoirs, quand pour AK ces anciens devoirs ne représenteraient pas un rite.
P. Négrier, avec R. Dachez et A. Bauer et des différences entre eux il est vrai, représente l’historiographie actuelle mainstream quand AK propose un changement de paradigme des origines de la FM.
Je me réjouis d’avance de goûter le droit de réponse de AK. Car, je l’avoue, je n’aurais pas eu la patience d’attendre le sortie de son prochain ouvrage. Merci AK. On va pouvoir rapprocher plus facilement vos réponses à ses objections. À propos de ce dernier opus, pourriez-vous nous communiquer la date probable de sa parution ?
Concernant l’ouvrage dont il est ici question, je dois admettre avec P. Négrier qu’il contient de nombreuses coquilles qui ralentissent et perturbent parfois la lecture. Mais qui, à titre subsidiaire, dynamisent la réflexion.
Voilà Cyrus ! Les réponses sont apportées au post 77.
– L’ouvrage portant sur le Dieu des francs-maçons sortira soit en décembre, soit dans les premiers mois de 2019. Il abordera la question sensible de Dieu et de ses représentations dans les écrits maçonniques. J’ajoute que je suis lecteur de Calvin (et de Luther) sans avoir jamais trouvé dans ses ouvrages l’expression « mot de Dieu », comme le voudrait Patrick N., sauf une fois pour en donner l’étymologie à partir de l’hébreu. Il emploie l’expression « parole de Dieu », ce qui n’est pas du tout le même sens. Calvin dit s’exprimer au Nom de Dieu pour en communiquer la Parole aux fidèles C’est la traduction en langue anglaise qui donne God’s Word, mais même dans cette langue il s’agit de désigner l’enseignement divin contenu dans la Bible. Rien à voir, par conséquent, avec le Mot de Maçon. Cela étant, si Patrick N. fournit des références de textes signés de Calvin où il emploie « Mot de Dieu », je ne demande pas mieux de les étudier et de voir en quoi ils auraient inspiré le « Mot de Maçon ».
– Il est exact que je propose un changement de paradigme, et je ne suis pas le seul. Je pondère cependant l’adjectif catholique, car l’interprétation des conflits religieux aux 17e et 18e siècles britanniques est actuellement viciée par l’adoption de la terminologie des vainqueurs politiques (qui voyaient des papistes partout). De fait, des non-catholiques étaient favorables aux Stuart, de même que des catholiques étaient favorables aux régimes orangiste puis hanovrien. Et Jacques III en exil avait dans son entourage de nombreux protestants anglicans.
– Oui, de nombreuses coquilles. Je suis preneur de toute information me permettant de les corriger. Ce qui me console, sans m’exonérer, c’est que les ouvrages de Négrier en contiennent aussi.
J’ai le plaisir d’annoncer aux fidèles lecteurs de ce blog que ma réponse aux notes critiques de Patrick N. sera insérée dans mon prochain ouvrage intitulé « Le Dieu des francs-maçons ». Elle est achevée et s’accordera parfaitement à la thématique sur le divin (Mot de Maçon supposé dérivé du Mot de Dieu).
Voici une réponse qui clôt provisoirement et de façon positive ce débat savant sur ce blogue. Nul doute que la réfutation sera à la hauteur de la sagacité et de l’érudition de l’intervenant.
Il faut l’espérer, car la très longue liste des erreurs et « bizarreries » relevées par P. Négrier mettent tout de même un peu à mal « l’érudition » supposée d’A.K….
L’origine de la FM est elle-même bizarre, isnt’it ? Je suppose que le catholicisme a dû se fonder de la même façon (élimination des textes compromettants et arguments d’autorité des « pères » de l’Eglise »)… J’ai toujours trouvé ce parallèle intéressant quoique iconoclaste pour certains de nos F.
déjà, si ça met un terme au cirage de pompes sur ce blog, c’est pas mal.
Je n’ai pas la prétention d’avoir la … « Sagesse », mais la « critique » qui devient un moyen pour régler ses comptes personnelles avec les uns et les autres … me gonfle prodigieusement.
Certes chaque oeuvre historique est sujet à « critique », mais une critique « positive » ou « constructive ».
Même des amateurs historiens peuvent trouver bien des choses dans des archives locales ou autre que les pro n’ont et qui peuvent améliorer l’entendement.
En ce qui concerne la FM, bien des choses restent à découvrir de son histoire et aussi de sa « pré-histoire ».
Il faut aussi savoir qu’à l’époque tout le monde n’avait pas accès, comme aujourd’hui, à des documentations qui circulaient. Ainsi tout le monde n’a pas pu lire … Pierre Bayle par exemple. D’ailleurs qui le lit aujourd’hui à part quelques uns qui le connaissent …
In fine je voudrais signaler que « critique » ne signifie pas qu’on doit s’en prendre personnellement à l’un l’autre. Nous avons vécu ici une attitude peu … fraternelle et peu démonstratif de ce que la FM est ou devrait être. J’ai dit
Exact. Ce qui est quand même rassurant dans le mouvement des idées, c’est que les critiques durent bien moins longtemps que les oeuvres.
Vous me cassez les pieds avec vos attaques personnelles !
Je cesse de vous lire sur ce poste !
A l’ exception des interventions de Pierre Noël qui lui !! s’est débarrassé de l’orgueil !
Je ne vous félicite pas ; quel piètre exemple donné à nos frères Apprentis.
A toutes fins utiles, et pour que nul ne se méprenne, je rappelle que c’est Patrick N. qui a ouvert le feu. Il serait peu digne de ma part de ne pas répondre. De même JVW est intervenu dans ce forum sans avoir lu le livre, ce qui devrait être un minimum pour se permettre des jugements péremptoires.
Tout cela est exact, mais je pense que l’on va en rester là avec ces « échanges » qui ont quitté la courtoisie. Les commentaires restant bien sûr ouverts à tout apport non polémique.
Sage décision. Comme je l’ai indiqué, une réponse circonstanciée à Patrick N. sera fournie dans une publication à venir.
Je m’adresse à tous, pas seulement à vous.
Attendons la réfutation de M. Kervella. C’est effectivement le plus sage. Cet auteur défend son point de vue bec et ongles et non sans arguments. Il a du caractère. Pour certains, une personne de caractère est un caractériel. Question d’interprétation.
Non mon cher, il ne s’agit pas de cela, je n’ai aucune idée négative à propos du travail de A.Kervella et moins encore de la personne que je ne connais pas.
Le fait est que les argumentaires de P.Négrier, A.Kervella et J.Van Win, au demeurant fort intéressants, sont pollués par leurs sautes d’humeur respectives.
Voilà, pour ceux qui n’avaient pas compris, ce que j’ai voulu exprimer, il me semble de manière parfaitement claire. Question d’objectivité.
Je ne parlais pas de vous personnellement. Si vous arrêtiez de surcommenter et de surinterpréter les postes, comme c’est le cas du 64, la discussion serait provisoirement close.
A la lecture des ouvrages de Patrick N., ainsi qu’à la lecture de ses notes critiques ici publiées, je suis toujours frappé par l’usage approximatif qu’il fait des concepts. Sa tendance est de plaquer sur des auteurs ou des documents du passé des mots ou des formules qui leur sont largement postérieurs, voire de sa propre invention, ce qui fausse considérablement l’interprétation qu’on peut en faire. L’exemple le plus connu est relatif au « Rite du Mot de Maçon ». Bien que cette expression soit absente des sources documentaires les mieux établies, Patrick N. veut à tout prix que ce rite fût celui des origines. Mais, passons là-dessus, bien que l’ensemble de ses notes critiques soit conçu pour défendre sa position à ce sujet (c’est ce que je discuterai dans un chapitre d’un ouvrage à venir).
– Je suis également intrigué par sa façon de tronquer les citations d’autrui pour les tirer vers le sens qu’il entend leur prescrire. Un exemple : il écrit en se référant à la p. 295 de mon livre : « En 1727 « aucune » « loge de Londres » ne se compose « d’ouvriers ou d’artisans ». C’est vite dit. En 1730 un catéchisme du Mot de maçon imposera à la loge d’avoir en son sein au moins « One of them must be a Working Mason » (Le Mystère de franc-maçonnerie). » En réalité, j’ai écrit : « Quelle est la loge de Londres, cette année-là, qui peut être raisonnablement considérée comme formée partiellement ou totalement d’une quelconque communauté d’ouvriers ou d’artisans ? Aucune. » C’est donc pain béni que de lire son commentaire. Pourquoi ?
1°) Il reprend un extrait du catéchisme THE MYSTERY OF FREE-MASONRY : « One of them must be a Working Mason ». J’ignorais que l’expression « l’un d’entre eux » pouvait s’admettre comme désignant une communauté, car c’est bien de cela que je parle. Même deux opératifs, ce serait un peu court !
2°) Ce même catéchisme n’est pas l’expression des usages recommandés par la Grande Loge de Londres, à laquelle Anderson appartient. On ne peut donc l’invoquer pour caractériser ce que ce bon pasteur dit de ses semblables dans le même cas.
3°) Patrick N. semble ne pas avoir consulté les listes nominatives des loges londoniennes, telles qu’elles sont enregistrées par les différents secrétaires de la GL de Londres. Il verrait en effet a) qu’aucune loge opérative ne s’y trouve, b) qu’aucune communauté d’opératifs n’est présente dans une loge, c) que rares sont les loges à avoir au moins un opératif en leur sein.
Donc, la note critique sur ce point manque de pertinence.
– Patrick N. réussi le tour de force de dire que « la symbolique biblique du Mason word véhiculait implicitement un ésotérisme (en 1689 Kirk nota dans son Journal la comparaison du Mot de maçon à un « mystère rabbinique » ) même si l’intérêt des maçons pour cet ésotérisme ne fut pas antérieur à 1730 ». Son repli sur l’implicite, très fréquent chez lui, révèle là aussi une tendance à gauchir une information quand elle ne va pas dans le sens de ses a-priori. Comment décrypter l’implicite ? Il ne nous le dit pas. Dans le vocabulaire commun, l’implicite est ce qui n’est pas exprimé de façon évidente. Lorsqu’il en est ainsi, qu’est-ce qui assure à Patrick N. qu’il interprète valablement un texte ? Qu’est-ce qui garantit que son interprétation est la bonne ? Ces propres arguments sont souvent bien fragiles. Dans le cas présent, on aimerait savoir s’il est capable de discerner dans les textes 1°) les témoignages qui évoquent l’existence du Mot de Maçon, 2°) les témoignages qui évoquent le Mot de Maçon lui-même. Savoir qu’il existe, avoir entendu qu’il circule parmi les maçons est une chose ; tout autre chose est de le posséder en ayant la connaissance de son contenu. Patrick N. pratique volontiers l’amalgame. De même, il malmène la chronologie a un tel point qu’on ne peut que s’interroger sur la valeur historique qu’il attribue à ses reconstitutions (Rite du Mot de Maçon).
– Je continue « 29 : La référence d’Anderson à l’obligation de secret relativement au temple de Salomon faisait référence au caractère secret du Mason word qui servait à communiquer les noms des deux colonnes du temple. » On n’est même plus ici dans l’implicite, mais dans l’imagination la plus débridée. Nulle part Anderson ne parle du Mot de Maçon !!! En a-t-il besoin pour déployer la grande fresque des Constitutions ? Nullement.
– Alinéa suivant : « 43 : Le Livre des marques d’Aberdeen ne suggère pas qu’il y aurait eu 2 loges dans cette ville mais que cette loge passa des Old charges au Mason word. » Ouah ! Ici on est dans la suggestion, je crois même dans l’autosuggestion. Et je ne sais pas ce que signifie « passer des Old Charges au Mason Word »
La suite dans d’autres posts. Avec souhait que Patrick N. nous éclaire prochainement sur sa conception de la « philologie impartiale », laquelle s’accommode mal, à mon avis, de l’implicite non étayé par une démonstration plausible.
Qu’essayent de démontrer les deux compères ? Je suis intervenu à propos des nombreuses critiques de Patrick Négrier, qui s’ajoutent aux critiques répétées d’autres historiens sérieux de la maçonnerie à propos des œuvres de M. Kervella. Je ne les citerai pas sans leur autorisation.
M. Kervella me prête des propos que je n’ai jamais tenus ; c’est le Grand Maître de l’Ordre Teutonique qui ne pouvait faire partie d’aucun autre ordre, et non les simples membres. Les renégats sont du reste fréquents. Où sont donc les contorsions serpentines et malveillantes ?
Il fait trop beau pour répondre encore à tant de « contorsions serpentines ».
Fraternité.
Bigre ! Décidément, les bras m’en tombent. JVW estime qu’il ne peut pas citer des historiens sérieux sans leur autorisation. J’ai tendance quant à moi à penser que n’importe quel texte publié par qui que ce soit peut être cité sans l’autorisation d’un auteur, pourvu qu’on ne se l’approprie pas et qu’on le fasse dans les proportions fixées par la loi sur les droits d’auteur. C’est bien cela le principe d’une publication, non ?
– JVW veut nous faire accroire qu’il possède peut-être des correspondances privées. Bon… Je demande d’autant plus à voir qu’il a inséré naguère dans un autre post des extraits d’une correspondance de cette nature qu’il aurait eue avec des responsables de dépôts d’archives et qui auraient été très sévères à mon endroit. Donc : un coup il révèle; un coup, il ne révèle pas. Contorsions, dis-je.
Comme j’ai eu l’occasion de le montrer, cette correspondance avec des archivistes n’a jamais existé que dans son imagination. Les formules employées sont de son style, et les règles de l’administration interdisent dans un courrier institutionnel de porter un jugement négatif sur un tiers non concerné.
Quant à Charles de Lorraine et sa maîtrise de l’Ordre Teutonique, ne reprenons pas le sinueux propos déjà tenus sur ce Blog ou sur un autre. Parole de JVW : « le Professeur Bernhard Demel O.T. m’avait certifié que jamais la moindre connexion n’avait existé entre l’Ordre Teutonique et l’Ordre Maçonnique ». (N.B. serait-il possible de connaître l’intégralité de cette « certification » ?) Ne revenons pas sur le fait que Charles de Lorraine a été porté à cette fonction en 1761, et que bien avant il a eu largement le temps d’être FM, donc sans incompatibilité.
Evidemment, je ne demande pas à JVW ce qu’il entend par « deux compères ». Serai-je affligé par une tendance au dédoublement, genre Dupond-Dupont ? Et je persiste à dire qu’il y a problème quand JVW juge éprouvante la polémique actuelle dont il est à l’origine. Quand il est à court d’arguments, il dévisse.
Vous écrivez : « C’est le Grand Maître de l’Ordre Teutonique qui ne pouvait faire partie d’aucun autre ordre. » Citez-nous l’article des statuts qui le disent (donc le texte officiel). Et nous verrons qu’il s’agit sans doute des autres Ordres chevaleresques et non de la FM. Bis repetitam.
[42] L’Ordre Teutonique ne vient rien faire ici. Je vous ai déjà transmis plusieurs fois les déclarations du R.P. Bernhard Demel, ancien Archiviste de l’Ordre, et confirmées par le R.P. Frank Bayard qui lui a succédé au siège de l’O.T. à Vienne :
» préalablement à son élection au Grand Magistère, Charles-Alexandre a dû, non sans regret, (selon sa lettre du 4 mai 1761), renoncer de son côté à l’Ordre de la Toison d’or (dont il était chevalier depuis le 5 avril 1729) et à la grand-croix de l’Ordre MILITAIRE de Marie-Thérèse (octroyée lors de la première promotion, le 7 mars 1758).
Encore un point non négligeable : le 6 mai 1761, le nouveau Grand Maître informa le pape Clément XIII de son élection à la tête de l’Ordre. Le pontife remercie pour l’annonce du scrutin et félicite le beau-frère de l’impératrice. La bulle In Eminenti date de 1738.
That’s all, Folks !
Il faut être stupide pour penser que la distinction entre athéisme théorique et athéisme pratique date de Pierre Bayle. Cette distinction est une donnée du bon sens qui a pu se produire à toute époque. Moi-même ne l’ai déduite que de l’observation, et si sur cette distinction je cite Bayle, c’est pour montrer que d’autres aussi avant moi, au XVIIème siècle, ont connu cette distinction.
Il faut être aveugle pour ne pas constater sur pièces que Bayle établit explicitement une distinction entre trois types d’athées : « Pour ce qui est de ces profanes plongés dans la goinfrerie, qui au jugement du père Garasse… sont de francs athées, je n’ai point dû les mettre en ligne de compte car il ne s’agissait point de ceux qu’on appelle athées de pratique, gens qui vivent sans nulle crainte de Dieu mais non pas sans aucune persuasion de son existence. Il ne s’agissait que des athées de théorie comme Diagoras par exemple, Vanini, Spinoza etc., gens dont l’athéisme est attesté ou par les historiens ou par leurs écrits. La question roule uniquement sur les mœurs de cette classe d’athées, c’est à l’égard de ceux-là que j’ai souhaité que l’on m’indiquât des exemples de mauvaise vie. Si j’en avais trouvé, j’en eusse fait une ample mention ».
Ce texte de Bayle établit successivement la distinction entre trois types d’athées : 1. les athées « francs » qui le sont à la fois en théorie (c’est-à-dire d’abord au plan métaphysique) et en pratique (c’est-à-dire au plan de la pratique éthique). 2. les athées « pratiques » qui ne le sont qu’en pratique mais non en théorie. 3. les athées « théoriques » qui, comme Diagoras et Vanini, le sont en théorie mais non en pratique (c’est ce type d’athées théoriques que Bayle appelait athées vertueux dans ses Pensées diverses sur la comète).
Enfin comme le prouve l’histoire de leur fabrication, la conception et la rédaction des Constitutions de 1723 furent des entreprises collectives engageant à la fois des concepteurs décisionnaires et de simples rédacteurs dont la fonction était au service des premiers et s’en tinrent à une tâche servile de simple enregistrement sans aucune participation de leurs conceptions personnelles. Les « Devoirs » de 1723 furent rédigés par Désaguliers mais furent pensés (conçus) par les autorités décisionnaires de l’obédience. Il est donc hors de question de chercher à reconnaître dans les « Devoirs » de 1723 un écho ou un reflet de la pensée anglicane de Désaguliers. De fait ces « Devoirs » de 1723 n’obligeaient les maçons qu’à respecter la loi naturelle (« être des hommes bons et vrais ou hommes d’honneur et d’honnêteté »), liberté étant laissée à ces maçons d’être des athées théoriques (car leur obligation de respecter la loi naturelle les empêchait d’être des athées pratiques) ou des « libertins » (déistes). Même chose en ce qui concerne les « Devoirs » de 1738 qui furent rédigés par Anderson mais furent pensés par les autorités décisionnaires de l’obédience et c’est pourquoi, à l’instar de ce qui s’était produit en 1723 pour Désaguliers, les « Devoirs » de 1738 ne reflètent en rien la pensée chrétienne et calviniste presbytérienne d’Anderson mais la position des décisionnaires de l’obédience relative à la « liberty of conscience » mentionnée dans la « Dedication » et déclinée sous la forme d’une obligation exclusivement pratique (le respect des trois commandements moraux de Noé) à l’exclusion de toute obligation doctrinale quelle qu’elle soit (sinon il n’y aurait plus de liberté de conscience), d’où l’acceptation en loge, comme en 1723, des athées théoriques et des « libertins » (cad des déistes) pourvu qu’ils pratiquassent la loi naturelle, ce qu’on appelle la religion naturelle pratique (à différencier bien évidemment de la religion naturelle théorique qu’est le déisme).
Tout cela pour démontrer quoi ? Que Patrick N. nous oriente vers une piste, puis qu’il en change quand le raisonnement qu’il tient en première intervention s’avère bancal. C’est tout de même lui qui oriente vers Bayle. Il l’abandonne maintenant, puisque son argument ne tient pas la route.
– Sur l’athéisme aussi vieux que la littérature connue, je renvoie aux excellents ouvrages de Paul Veyne. Les Grecs ne croyaient pas tous en leurs mythes, ni en leurs dieux.
Sur les rédacteurs des Obligations de 1723, il manque à Patrick N. de nous dire qui ils sont et dans quelles circonstances ils ont travaillé. Même question quand il passe à 1738. Je me demande comment il peut affirmer que la version de cette année-là a été pensée « par les autorités décisionnaires de l’obédience ». Lesquelles, svp? Des noms, des témoignages seraient bienvenus…
– Et c’est étrange qu’il cherche maintenant à distinguer trois versions d’athées, après nous en avoir cité que deux dans un premier temps. Il serait intéressant qu’il distingue aussi plusieurs versions de déistes. Cela mettrait un peu plus de complexité dans sa démarche.
– Restons-en aux faits, laissons de côté les extrapolations non légitimées par des documents. D’où deux points à examiner:
1°) il ne faut pas confondre les commentaires de Bayle sur les auteurs de son temps et d’avant, d’une part, et ses propres prises de position, d’autre part.
2°) Ce n’est pas moi qui emploie l’expression « analyse philologique impartiale ». La philologie est l’analyse d’une langue par le biais des textes qui l’emploient. C’est mon contradicteur qui utilise cette expression. Je réitère donc ma question. Puisqu’il affirme maintenant – mais un peu tard – que la distinction entre « athées théoriques » et « athées pratiques » est antérieure à Bayle, quels sont les documents qui le prouvent ? L’impartialité s’accommode mal des adjectifs « stupide » et « aveugle ». Ou alors, il faut fournir des arguments imparables. Je les attends. Comme je ne suis pas le seul en attente, je prie mon contradicteur de ne pas éluder la question. Nous aspirons tous à la lumière, n’est-ce pas ? Un stupide aveugle ne demande pas mieux que d’être enfin éclairé. Et qu’il ne me parle pas de « l’esprit » d’une position philosophique, je veux la lettre (philologie…). J’écarte l’hypothèse que Patrick N. nous parle d’athées qui auraient été « de théorie » ou « de pratique » dans l’esprit, dans l’intention, même si les catégorisations n’auraient pas été explicites. Des mots, noir sur blanc; des auteurs qui les auraient écrits.
[46] Sans grand intérêt tout cela. Les livres de Monsieur Kervella sont consultables, si besoin en est, à la bibliothèque du Cedom à Bruxelles.
JVW pratique l’art de la contorsion serpentine. Il me cite dans ses ouvrages, comme dans ce blog, en donnant la référence des pages des livres qu’il n’a pas lus. » Je ne possède pas les ouvrages de M. Kervella, mais j’en lis parfois les compte-rendus ». Il maintient qu’on ne peut pas être FM au 18e et en même temps chevalier teutonique, malgré les exemples qui prouvent le contraire. Il juge les polémiques éprouvantes, bien qu’il les provoque. Pour se reposer, va-t-i au Cedom pour pouvoir lire mes livres qu’il ne possède pas, et cet effort lui pèse-t-il ? Mystères de l’âme humaine… D’autant plus qu’il intervient dans le fil d’échanges relatifs à mon livre sur Anderson qu’il n’a donc pas lu. Comprenne qui pourra.
Le Cedom (Centre de documentation maçonnique) possède 4 titres de Kervella (cf. le catalogue en ligne) :
1. FM : la légende des fondations
2. FM au duché de Bouillon
3. La passion écossaise
4. Réseaux maçonniques et mondains au siècle des lumières
Le dernier date de 2008. C’est le plus récent.
[37] Je ne possède pas les ouvrages de M. Kervella, mais j’en lis parfois les compte-rendus. Dans les Acta n°9 mentionnés, voici ce qu’écrit Bernheim :
« […] mon intérêt n’a pas diminué en découvrant sur la quatrième de couverture de son livre récent :
« en présentant une étude minutieuse des conditions dans lesquelles sont apparues les premières loges maçonniques en France pendant la première moitié du XVIIIe siècle, André Kervella fournit une réponse définitive aux questions longtemps controversées des apports extérieurs.[…] Il propose de dissiper une fois pour toutes le brouillard des légendes et des contrevérités ». fin de citation
Il est impossible de déterminer si ces témoignages d’autosatisfaction furent rédigés par l’auteur ou par son éditeur, mais le style est typique et penche en faveur de la première supposition. De toute façon, il est difficilement concevable qu’une 4ème de couverture soit écrite et publiée à l’insu de l’auteur.
Ces chicanes sont éprouvantes.
C’est pourquoi je ne mentionnerai rien des 20 erreurs, oublis, emprunts non identifiées, méprises, sources non mentionnées, etc. détectées dans cet article à travers mon parapluie troué, et qui n’échappèrent pas à l’œil d’Alain Bernheim. [Acta Macionica n°9, pages 378-382].
On peut y ajouter, comme dessert, la réjouissante participation d’un Voltaire franc-maçon en 1738 dans une loge mixte tenant ses assises au château de Cirey. [ AK : Réseaux maçonniques et mondains au siècle des Lumières, éd. Véga, pp. 157-159].
De plus en plus amusant ! JVW est constamment dans le procès d’intention sans être en capacité de fournir les preuves de ce qu’il avance. Je ne reviens pas, bien entendu, sur les citations qu’il attribue à des personnes avec qui il aurait été en correspondance, et qui sont de son style (voir ses autres interventions sur d’autres thèmes de Hiram.be). J’invite seulement l’internaute à se faire ici une opinion en relevant son aveu : il ne lit pas mes livres, il se contente de citer des recensions ou des notes de lecture rédigées par d’autres. Voilà ce qu’il appelle une démarche rigoureuse. Chapeau !
– Si les polémiques lui sont éprouvantes, le remède est simple : il lui suffit de ne pas les provoquer. Personnellement, j’ai lu ses livres, tardivement il est vrai, mais je les ai lus. Je peux donc en parler sans me reporter à des intermédiaires bien ou mal disposés à son encontre.
– Dans le présent post, je ne vais pas lui expliquer ce que signifie l’usage des guillemets dans un texte, ce serait apparemment l’accabler davantage. Dans l’ensemble de mes publications, il y a trois 4e de couverture dont je ne suis pas l’auteur. Je ne lui suggère pas de les rechercher, puisqu’il n’a pas mes livres sous la main. Et j’admire son tour de force qui consiste à dire que la 4e de « La FM écossaise dans la France de l’Ancien régime » est entièrement de ma plume. Sachant qu’il dit ne pas avoir ce livre sous les yeux et ne l’avoir jamais eu, comment peut-il oser un tel propos ? Ce mystère n’a évidemment rien de maçonnique.
– Quant à mes éditeurs, ils vont certainement apprécier sa tirade. Tous peuvent attester que je ne me mêle jamais de l’établissement des maquettes de couverture. Je respecte suffisamment leur propre travail, pour leur faire confiance dans le choix qu’ils font des aspects visuels. Apparemment JVW adopte un autre point de vue. C’est parfaitement son droit. Il commet seulement l’erreur de projeter sur autrui ses propres habitudes. Et pour faire sourire le lecteur de ma présente réponse, je précise que la 1ère de couverture du livre que JVW n’a pas lu montre un FM en tablier d’une autre obédience que celle à laquelle j’appartiens (choix du directeur de collection des éd. du Rocher à l’époque). Décidément, je ferais donc bien mal ma publicité. Et poussons un peu plus loin : comme je ne travaille pas au rite écossais, ni ne l’ai jamais fait, JVW ne peut même pas dire que je plaide pour ma boutique. Zut alors…
– Petite cerise sur le gâteau. Bernheim n’a jamais fait un compte rendu de « Réseaux maçonniques et mondains », du moins pas à ma connaissance. Or, JVW donne la référence des pages concernant Voltaire. De deux choses l’une : ou bien il ment en disant qu’il ne lit pas mes livres et se contente d’articles à leur sujet, ou bien il les lit, et dans ce cas sa dénégation résonne étrangement au clocher de sa chapelle.
J’ai publié plusieurs guides littéraires (Bruxelles, Bruges, Brabant) aux éditions de l’Octogone et je confirme que l’auteur n’a pas toujours l’occasion de lire le quatrième de couverture. L’éditeur le rédige souvent à la sauvette (en Belgique francophone parfois sur un coin de table dans un bistrot) peu avant la remise du tapuscrit à l’imprimeur.
Sur la distinction entre athée théorique et athée pratique : « … ceux qu’on appelle athées de pratique, gens qui vivent sans nulle crainte de Dieu, mais non pas sans aucune persuasion de son existence. Il ne s’agissait que des athées de théorie comme Diagoras par exemple, Vanini… » (Pierre BAYLE, Dictionnaire historique et critique, « Eclaircissement sur les athées », publié posthumément en 1730, Bayle étant décédé en 1706). Cet athée théorique qui se différencie de l’athée pratique décrit ci-dessus, c’est précisément ce que Bayle décrit comme étant l’athée vertueux dans ses Pensées diverses sur la comète en 172-174 et en 182.
Parfait ! On va être d’accord sur un premier point. Si l’article additionnel du dictionnaire de Bayle a été publié en 1730, Anderson et Desaguliers ne pouvaient pas s’en inspirer en 1723. Il est donc incongru de faire une analyse « philologique impartiale » des Obligations en s’y référant. A moins de prêter à notre duo de pasteurs un don d’anticipation (double vue ?).
Second point : un athée de théorie (et non un athée théorique, ce qui n’est pas sémantiquement la même chose), selon Bayle, est un croyant qui en paroles, et en paroles seulement, profère des opinions négatives sur Dieu (Diagoras critiquaient les discours de ses contemporains sur les Dieux, ainsi que les représentations qu’ils s’en donnaient, non le principe même de la divinité). Or, dans cette citation, Bayle ne l’oppose pas à un athée de pratique. Ou alors il faut croire qu’une « philologie impartiale » est singulièrement aveugle. En effet, que signifie le morceau de phrase « il ne s’agissait que » sinon une tournure pour instaurer une similitude ou une équivalence ? Patrick N. cherche à différencier ce que Bayle associe. Bizarre, bizarre…
Troisième point : est-ce qu’Anderson (au moins, puisque c’est à lui que je consacre mon ouvrage) est tolérant vis-à-vis des athées ? Pas le moins du monde. Est-ce que Patrick N. peut citer un seul sermon de lui qui inclinerait à le dire ? Si oui, lequel ?
Quatrièmement : Patrick N. interrompt sa citation en ne donnant pas le nom de Spinoza dans les exemples d’athées « de théorie » fournis par Bayle. Il ne dit pas non plus que l’article de Bayle est inspiré par une réflexion sur les mœurs prêtées par le père Garasse à ceux qui seraient en son temps de « francs athées ». Une philologie impartiale devrait resituer un propos dans le contexte de son énonciation afin que chacun puisse juger de la pertinence d’en user.
– On verra une autre fois que Patrick N. commet les mêmes dérapages philologiques quand il parle du déisme et de la position d’Anderson au regard du trinitarisme.
D’après Jan Snoek, Thomas Wolson serait le pseudonyme d’un certain Georges Smith, initié à Leipzig. Son llvre aurait été édité à Arnheim (lui-même serait Hollandais).
N’est-il pas courant à l’époque de qualifier de traître ou de scélérat les auteurs de ces pamphlets, souvent anonymes dit « divulgations »
« Inzwischen wurde am 6.12.1737 auch die „Loge de Hambourg“
gegründet. Diese arbeitete nach Prichards Masonry Dissected, also in der Tradition der
englischen „Moderns“. Ab den 1740er Jahren verdrängte die französische „Moderns“-
Tradition auch in Deutschland die englischen Traditionen. Wahrscheinlich wurde die
sogenannte „französische Verräterschrift“ von „Thomas Wolson“, Le Maçon Démasqué
von 1751, in Wirklichkeit von George Smith geschrieben, der 12.10.1742 in der Loge
„Aux trois Compas“ (heute „Minerva zu den drei Palmen“) in Leipzig initiiert worden
war.10) Es ist wohl das älteste gedruckte Ritual der Deutschen „Moderns“-Tradition.11 »
(DER RELIGIÖSE CHARAKTER DER FRÜHEN
FREIMAUREREI
(Vortrag auf der 36. Arbeitstagung der Freimaurerischen Forschungsgesellschaft
Quatuor Coronati am 10. Oktober 2009 in Kassel)
Le danger (ou l’espérance !) jacobite fut un élément important de la vie anglaise, déterminant parfois depuis les dernières années de la reine Anne jusqu’à la défaite définitive de 1746 (un peu comme dans la France d’après 1870 mais su un autre sujet: « y penser toujours, n’en parler jamais ». Mais c’est de l’histoire générale, dont celle de la maçonnerie n’est qu’un entrefilet.
(si vous me permettez une opinion personnelle!)
Effectivement, l’identité de Wolson fait question. Pour ce qui concerne le rapport entre histoire générale et histoire de la FM, il convient de rappeler que le responsable du contre-espionnage auprès du gouvernement hanovrien est pendant longtemps Charles Delafaye, d’origine huguenote, ami d’Anderson et contributeur du recueil de chansons placées en fin des Constitutions. Il utilisait plusieurs FM pour des missions disons « délicates » sur le continent. Cela ne suffit pas à déduire que les FM ont joué un grand rôle dans l’évolution des intrigues politiques. Mais, dès lors qu’on s’intéresse à l’histoire de la FM, on ne peut pas évacuer ces faits, ni les minorer. Exemples : que faisais Coustos en France après 1736? Que faisais Labeylie en Espagne à la fin des années 1720 ? Que faisait le baron Stosch en Italie pendant au moins deux décennies ? La réponse est dans les archives.
Mon interprétation des « Devoirs » de 1723 n’est pas isolée : elle retrouve celles analogues faites par Stevenson et par Bernheim que pour cette raison je cite dans un de mes livres :
David Stevenson : “It does not say they will be refused admission to the Craft, or expelled from it, but that they will not hold these beliefs if they “rightly understand” Freemasonry” (“James Anderson, man and mason”).
Alain Bernheim au sujet de la présence d’un athée comme Martin Folkes à la GL de Londres : « Enfin, pour qui aurait du mal à réconcilier les mots d’Anderson avec la nomination de Folkes comme Député Grand Maitre du duc de Richmond, on lira l’article de mon ami Chris Impens, mon prédécesseur comme Maître de la loge de recherche Ars Macionica n° 30 (GLRB), qui écrit : ‘Time and again, it has been claimed that the first charge excludes stupid atheists and irreligious libertines from freemasonry. If you think: yes, that’s what I heard, think again, because Anderson says nothing of the sort’”.
La distinction entre athée théorique et athée pratique avait été vulgarisée dans ses écrits par un philosophe français et protestant du XVIIème siècle et réfugié aux Pays-bas : Pierre Bayle (1647-1706).
Référence explicite, svp : la notion « athée théorique » est-elle dans les écrits de Bayle ? Personnellement, je ne l’y ai jamais trouvée. Mais, comme nul n’est infaillible, je demande à y aller voir de plus près. Donc : référence, SVP ?
Patrick N. commence ses notes ainsi : « L’analyse philologique impartiale des « Devoirs » de 1723 montre qu’ils acceptaient en loges les athées théoriques pourvu qu’ils pratiquassent la loi naturelle (religion naturelle pratique), et c’est pourquoi ils n’obligeaient pas à la « croyance en Dieu » ni à « admettre l’idée qu’un principe divin gouverne le monde »
1°) Je ne sais pas ce qu’est un « athée théorique ». Cette notion est totalement absente des documents du 18e siècle.
2°) Une analyse philologique impartiale : l’impartialité est donc du côté de Patrick N. Et tant pis pour tous ceux qui sont légion, et qui interprètent l’article des devoirs comme une exclusion des athées nécessairement stupides. Pour dire qu’il y a lien de nécessité entre « athée » et « stupide », il suffit de lire les sermons d’Anderson, très éclairants sur le sujet.
3°) Je ne sais pas ce qu’est un athée qui pratique la religion naturelle. Il y a contradiction dans les termes.
4°) Je m’étonne que Patrick N. oublient les « libertins irréligieux », et je rappelle qu’au premier temps de l’emploi du mot libertin, il désigne les partisans de la liberté de conscience, non pas les débauchés. Le glissement sémantique s’est fait quand des adversaires ont estimé que la liberté de conscience implique automatiquement liberté de moeurs, donc dévergondage (voir Jean Calvin sur le sujet)
– Patrick N. ajoute: « 237-238 : L’interprétation de l’article I des « Devoirs » comme obligation de croire en Dieu ne tient pas compte du rôle sémiotique de la conjonction if (« si ») qui définit une éventualité et contraint à resituer l’ensemble du propos dans le contexte d’une situation porteuse d’une alternative entre deux cas également possibles et donc tous deux admis.
La locution anglaise « if » ne marque pas ici une éventualité mais une conditionnalité. Un franc-maçon doit bien comprendre l’Art, auquel cas il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux.
Je ne répondrai pas à Monsieur Kervella dont les commentaires sont une fois encore à côté de la plaque. Ma source est le numéro 9 des Acta Macionica, pages 378-382. L’article d’Alain Bernheim s’intitule : Compte-rendu André Kervella. La Maçonnerie française dans la France de l’Ancien Régime. Les années obscures 1720-1755. Editions du Rocher, 1999.
Démonstration est donc faite, encore une fois, que JVW pratique l’évitement quand il est en difficulté. Il ne répond pas au fond du problème : est-ce que, oui ou non, j’ai écrit les mots d’autosatisfaction qu’il m’attribue ? Je fournis la preuve du contraire. On en déduit qu’il juge ses contemporains à tort et à travers. Mais, plutôt que de le reconnaître, il s’abrite sous un parapluie troué. Navrant !!!
Effectivement, dès qu’il est en difficulté, van Win fait le grand contournement ouest. J’attends toujours une réponse factuelle à une question précise relative à l’Ordre teutonique et la prétendue impossibilité pour ses membres de faire partie de la FM, c’est-à-dire l’article des statuts qui prouve ses allégations. En réalité, il est interdit à un teutonique d’appartenir à un autre Ordre chevaleresque, ce qu’est la FM n’est pas.
Il est tellement plus facile d’en parler quand le danger est passé ! (Comparez les dates)
WOLSON Thomas LE MAÇON DÉMASQUÉ, ou le secret des Francs-Maçons…
Ed. Jean Néaulme, Amsterdam, 1748
Dans sa rarissime édition originale datée de 1748 (la plupart des bibliographies ne signalant qu’une édition de Londres sans date), les colonnes sont Booz pour les apprentis et Jakin pour les compagnons. Il ne semble pas que cet ouvrage ait retenu l’attention des historiens d’autant que dans l’édition de 1751 Wolson a inversé les colonnes. Dans cette édition, l’auteur commence par : « A tous les vénérables de loge, frères passés-maîtres, compagnons, apprentis. ». On songe alors à un écrit de propagande, d’autant que le titre n’a pas le caractère antimaçonnique de l’édition de 1751 Dans l’édition de 1751, il rajoute : « A tous les vénérables de loge, frères passés-maîtres, compagnons, apprentis et autres suppôts de la Maçonnerie. ».
Il s’est passé quelque chose entre les deux éditions, en quoi cela a-t-il modifié l’agencement des colonnes ? L’ouvrage ne semble pas avoir été imprimé en France.
Diverses éditions :
Fesch p.875 (édit. s.d.) – Biblioth. Lyon n°30 (édit. s.d.) – Kloss n°3548 -Wolfstieg n°29975 (édit. s.d.) « selten” – Caillet n°6927 (édit. de 1757 seulement) « ouvrage très rare…” – Pas dans Dorbon. L’auteur prétend avoir été initié à l’auberge du « Swan » dans le Strand à Londres et dévoile le rituel des 3 premiers degrés du rite moderne dans l’édition de 1751, avec rituel de table, catéchismes et chansons… Première description minutieuse de la cérémonie d’initiation. Une édition de 1757 Berlin Aux dépens de la Compagnie. in 12°, 112p est au rite moderne.
Eh oui ! Wolson (typographié Wolfon parfois, selon une pratique connue au 18e : S/F) se sentait plus à l’aise après la défaite des jacobites.
« Quelques personnes ont soupçonné que la maçonnerie tendait… au rétablissement de la Maison de Stuart sur le trône d’Angleterre ; soupçon vain et qui n’est assis sur aucun fondement raisonnable » (Thom WOLSON, Le Maçon démasqué, Londres, 1751). Citation extraite de L’Essence de la franc-maçonnerie à travers ses textes fondateurs (Oxus, 2018).
Thom Wolson : Patric N. peut-il préciser qui est cet auteur ?
1°) Il ne s’agit pas d’une source archivistique
2°) elle contient un jugement partisan, ce qui peut s’admettre
3°) mais on ne peut savoir quoi en faire tant qu’on n’est pas éclairé sur le personnage.
J’en parle dans « La Passion écossaise », « La légende des fondations », « La Maçonnerie écossaise » et « Les Rois Stuart et la franc-maçonnerie ».
Pour intéresser nos amis belges, voici ce qu’on en dit dans La revue de l’Université de Bruxelles en 1977:
« Les maçons français ne paraissent pas avoir été mieux lotis que leurs frères flamands. En 1745, la police, faisait irruption dans une loge parisienne, ne trouve guère à y saisir, outre un Nouveau Testament, qu’« un carton dans lequel s’est trouvé plusieurs petits livrets concernant les cérémonies des frai maçons», livrets du reste «en partie déchirés tant imprimés que burinez» et des «discours et chansons en l’honneur de l’Ordre». D’un autre côté, la« Vertu» de Leyde, atelier bien organisé pourtant, utilise pour son rituel des écrits inattendus, puisqu’ils émanent d’adversaires de l’Ordre, tels le livre du renégat Thomas Wolson et L’Ordre des francs-maçons trahi. »
– Renégat ???
Citation contre citation : aller aux sources serait préférable.
Ben oui, Wolson a forcément raison… Il avait deux témoins maçons quand il l’a écrit.
Obsession pour obsession (que je ne partage pas) :
– le « vieux » prétendant Jacques Stuart, fils du roi Jacques II démis en 1688, n’ a mis les pieds que quelque jours dans son « royaume » (en 1715) et il est mort en exil en 1766
– son fils aîné Charles-Edouard est mort en exil en 1788, sans descendance légitime (voir « Bouillon », sur Hiram.be)
– son fils cadet Henri-Benoît est mort, cardinal de l’église romaine donc forcément sans descendance légitime, en 1807 (en Italie).
Là s’arrête la filiation Stuart en ligne directe.
Les dernières espérances jacobites se sont évanouies dans les collines de Culloden en 1746 (sans que le roi de France s’en soucie).
La cause du « roi de l’autre côté de l’eau » n’était plus que sentimentale en 1750. On peut la partager, la larme à l’oeil, dans les romans de Walter Scott (ceux de la série « Waverley », qui méritent d’être lus).
Si les Stuart papers conservés à Windsor contenaient la révélation que tout le monde attend, on le saurait depuis le temps qu’ils sont connus des historiens.
Il est vrai que je ne connais pas personnellement AK, bien que je me rende souvent à Guer (56), mais qqn qui le connait. Je connais mieux Lambros Couloubaritsis. Il a validé dans son livre « La Complexité de la Franc-Maçonnerie » la démarche historique de AK et, en partie, l’importance par lui donnée à une origine stuartiste/jacobite de la FM (bien qu’il y ait quelques divergences entre eux deux).
Personne ne peut mettre sérieusement en cause l’objectivité et la personnalité académique reconnue mondialement de M. Couloubaritsis.
Loin des conflits de personne, je pense qu’il serait enfin temps d’en venir au cœur du sujet. Origine stuartiste ou huguenote de la FM à moins qu’il ne faille convoquer les deux ascendances ? Et pourquoi pas d’autres influences encore ?
Je suis impatient de lire la prochaine communication/publication de AK sur les objections de P. Négrier.
La quête des origines de la FM est passionnante quand elle est éloignée de ces affrontements stériles.
NB : je viens de terminer la lecture de l’ouvrage de AK : une suite à Sorbon prochainement ?
Merci beaucoup. Suite à Sorbon ? Les romans s’écrivent beaucoup plus vite que les livres d’histoire. En ce qui concerne les seconds, pour le moment j’ai trois commandes à honorer. Il faut donc s’y mettre avant de laisser vagabonder l’imaginaire.
Quelle est cette révélation qui serait attendue ? Personnellement, je n’en présume aucune. En revanche, dans les années 1770-1780, on sait que les Allemands et les Suédois étaient en quête d’un document relatif à une filiation « templière ». Il me semble avoir montré dans plusieurs ouvrages que ce n’était que vaine spéculation.
En revanche, les archives de Windsor contiennent bel et bien des informations sur l’activité maçonnique de plusieurs partisans de Jacques III. Ne serait-ce que celles relatives au comte de Mar, chef de la tentative d’insurrection de 1715.
Est-ce que lorsqu’on maintient mordicus qu’une boule de billard est ronde, on est dans le risque d’une obsession ?
Obsession jacobite contre obsession huguenote ? Qui a raison, qui à tort ? À moins que ces deux origines de la FM post 1750 soient compatibles, pour peu que ces problématiques soient abordées calmement sans apriori exclusif, partial et hargneux ?
AK défend l’origine presque essentiellement stuartiste/jacobite alors que Dachez et consort à la suite de son maître René Guilly ne conçoit la FM actuelle comme quasi uniquement issue de la religion calviniste écossaise.
Leurs convictions divergentes quelque peu opiniâtres conduisent à donner tort à l’un pour que l’autre ait raison.
Je souhaiterais, mais peut-être est-ce un vœux pieu, que ces courants se rejoignent ou se recoupent pour expliquer ce qu’est devenue la FM à la fin du 18e siècle. Ces deux influences auraient pu nourrir cette Fraternité.
Pour ceux qui cherchent la version anglaise de « Long Livers » : https://books.googleusercontent.com/books/content?req=AKW5QacQcUagG_WZjpqBAKgzlvOlD8y-wrgSpLz5ZQjzpu5XXk5Irpc9CoYANLlfPANCIe8lTU9Xva0TaQDEuMeHwi7DPjFL_TXtnza3GZDFkbhONrdWNBxxJPaEuS5yW-bkulsKPoJCB2of73zzzNpc3Ti6rXQ1XzjjzbMe53jxWb9obs_3YQP7YH-mNlpdc7rm1L__Ng7_rhPhOxrddaNnmUxuvyaLD5y02JqPv2TWF9GlHc9GyU4GuaanrogpjxutZFdmwNs-
Merci Bilboquet pour ce lien
Avec le plus grand plaisir frat:.
Un grand merci au TCF Patrick Négrier pour son analyse du dernier pensum de Monsieur Kervella. Cet examen scrupuleux en dispensera un certain nombre d’avaler cette nouvelle couleuvre.
Déjà, dans les Acta Macionica n°9, Alain Bernheim avait fait le compte-rendu de l’opus « La Maçonnerie Ecossaise dans la France de l’Ancien Régime », du au même auteur. Je cite : » André Kervella fournit une REPONSE DEFINITIVE (sic) aux questions longtemps controversées des apports extérieurs […] il propose de DISSIPER UNE FOIS POUR TOUTES (sic) le brouillard des légendes et des contrevérités ».
Les deux (sic) sont de la plume de AK.
Les « critiques peu amènes » que K. adresse péremptoirement à ses prédécesseurs sont le signe que l’insulte est la preuve de la défaite de ceux qui y ont recours.
Alain Bernheim cite « quelques jugements » de Monsieur Kervella : Gustave Bord, « dont les impairs sont innombrables » (p. 47) et « dont le patchwork continue à séduire les crédules à la façon d’un miroir aux alouettes » (p. 385), est « à ranger dans la coterie des illusionnistes » (p. 42); Jouaust a « eu tort » (p. 60), « sa méprise est totale pour l’essentiel » (p. 124); Lepage fait partie de « certains érudits maçons [qui] se leurrent » (p. 201). « L’excellent Chevallier… s’est trompé » (p. 12), il « transforme subrepticement » des noms propres (p. 180) et « ignore deux points décisifs » (p. 396). Fin de citation.
La maçonnerie compte des historiens maçons confirmés qui s’expriment, notamment, sur les blogs maçonniques. Il est évident que AK n’est pas des leurs.
Merci encore au TCF Patrick Négrier et à quelques autres, irrités aussi par l’obsession jacobite récurrente et par les emprunts non identifiés.
Devant les critiques négatives de M. JVW envers l’œuvre de AK, il ne faut perdre de vue l’acrimonie que personnellement il lui porte, certainement à la suite des échanges peu amènes entre ces deux historiens quand il s’agissait, sur ce site, d’évoquer l’appartenance à la FM de Charles de Lorraine et la nature éventuellement maçonnique du parc de Bruxelles. Quand JVW a été mis KO par AK sur ses prétentions d’historien.
Voir ici : https://www.hiram.be/blog/2018/03/29/voltaire-secrets-dune-initiation/#comment-397056
N.B. : Pour ce qui est de l’appartenance de Charles de Lorraine à la FM voir cet article tout récent de Christophe De Brouwer qui donne probablement tort aussi à JVW : sifodierisinvenies.overblog.com/2018/09/charles-alexandre-de-lorraine.html
J’ai la nette impression que cette intervention de JVW à propos du dernier « pensum » de AK est plus dictée par un esprit de vindicte personnelle que par un mobile vraiment historique. Qui blâme AK est son ami, qui le soutient est à combattre.
On est loin de ce que j’ai pu comprendre de la fraternité maçonnique et de leur recherche de la vérité. C’est dommage pour la qualité des débats. Il ne s’agit pas de critique sérieuse mais de bashing.
« La maçonnerie compte des historiens maçons confirmés qui s’expriment, notamment, sur les blogs maçonniques. Il est évident que AK n’est pas des leurs. »
Jean van Win est évidemment du bon côté des maçonnologues ! Et pas le méchant André Kervella. Eigen lof stinkt (« son propre éloge pue » en flamand). Quelle lumineuse Fraternité.
A remarquer le conseil de Jean van Win de ne pas lire l’ouvrage d’André Kervella : « Cet examen scrupuleux en dispensera un certain nombre d’avaler cette nouvelle couleuvre.. » Bel esprit de libre-examen.
De plus, le texte cité de Bernheim par van Win permet de comprendre que les deux « sic » sont de ce dernier et non de Kervella, contrairement au commentaire de notre distingué F. bruxellois.
AH ! quel bonheur de lire Jean Van Win. Encore une fois, il est pris la main dans le sac. En effet, il cite Bernheim qui m’attribue des jugements péremptoires sur moi-même. Pas de chance ! Ces jugements sont extraits de la 4e de couverture de « La Maçonnerie écossaise dans la France de l’Ancien Régime ». Or, il suffit de lire cette couverture pour constater que le texte est en deux parties. La première est entre guillemets, elle est bien de moi, puisqu’elle reprend le premier paragraphe du livre. La deuxième, qui n’est pas entre guillemets, n’est pas de ma plume. Elle est de quelqu’un d’autre des Editions du Rocher. Donc, me l’attribuer est plus qu’une erreur. C’est une faute. Elle est d’autant plus gravissime qu’elle sert à soutenir une analyse nécessairement gauchie de mon travail d’historien. Cette faute a été commise autrefois par Bernheim, elle est reprise par Van Win, avec des sic et des resic intempestifs…
N’importe quel lecteur, même s’il ne partage pas mes points de vue ou conclusions, sait que je n’ai jamais affirmé nulle part que l’on pouvait être définitif en matière de recherche. C’est bien en cela, n’en déplaise à Patrick N. qui me qualifie de positiviste, que j’estime inapproprié le qualificatif de scientifique quand il est appliqué à un ouvrage d’histoire. L’historien ne peut revendiquer une quelconque scientificité. Il lui suffit d’être aussi soucieux que possible de la leçon que les archives apportent.
En revanche, dire qu’un prédécesseur s’est trompé sur un ou plusieurs points sujets à polémique n’est pas à prendre en mauvaise part. La preuve : dans ses opuscules baroques (sur Voltaire, Sade, le parc de Bruxelles…) JVW lui-même ne cesse d’interpeller tous ceux qui n’ont pas l’heur de lui plaire. Il est donc dans l’incohérence la plus dommageable pour lui en reprochant à autrui ce qu’il pratique lui-même avec opiniâtreté.
Il encourage les internautes à ne pas lire mon livre sur Anderson. Personnellement, je les encourage à lire les notes critiques de Patrick N. car elles vont me donner l’occasion de préciser certains points peut-être abordés trop vite dans ce livre, d’une part, mais aussi de prouver par a+b que les observations de Patrick N. sont sans fondement, d’autre part.
Le livre « Long Livers » de Robert Chambers dans sa version française peut être téléchargé sur Gallica sous le titre : « Longeville, Harcouet de, 1660-1720. Histoire des personnes qui ont vécu plusieurs siècles et qui ont rajeuni : avec Le Secret du rajeunissement, tiré d’Arnauld de Villeneuve par Mr. de Longeville Harcouet « …
je viens seulement de le découvrir …
Pourrais-je prier les commentateurs de ne plus utiliser les initiales P.N., mais de bien vouloir préciser qu’il s’agit soit de Pa.N. soit de Pi.N. , par exemple?
Ou le nom entier, ne fût-ce que par politesse…
“Long Livers : A curious History of Such persons of both Sexes who have liv’d several Ages and grown Young again …. By Eugenius Philalethes, F.R.S. Author of the Treatise of the Plague. London … 1722.” (in KJ&H, 1945, 1978)
C’est la traduction d’un ouvrage écrit par un Français, Longeville-Harcourt, publié en 1715 : « Histoire des personnes qui ont vécu plusieurs siècles avec le secret du rajeunissement, tiré d’Anauld de Villeneuve » (ce dernier est un médecin et alchimiste du Moyen-Âge, qui vécut de 1245 à 1313). On pense généralement que le traducteur est Robert Samber (1662-1745) qui le premier traduisit les contes de Charles Perrault en anglais (1729).
La traduction proprement dite est précédée d’une dédicace de 50 pages, datée du 1er mars 1721/2, adressée « Au Grand Maître, Maîtres, Surveillants et Frères de la très Ancienne et très Honorable fraternité des Free Masons de Grande-Bretagne et d’Irlande » par le « Frère Eugenius Philalethes, avec ses Salutations » (ce qui suggère que l’auteur était Franc-Maçon).
« Je m’adresse à vous de cette manière, parce que c’est l’authentique langage de la Confrérie…. Par ce que je dis ici, ceux d’entre vous qui ne sont guère avancés (sur les voies de la lumière), qui sont encore dans les régions extérieures, et ne sont pas dignes de regarder derrière le Voile, peuvent en tirer un divertissement non dépourvu d’agrément et de profit : tandis que ceux qui ont le bonheur d’avoir de plus grande Lumière, découvriront sous ces ombres quelque chose de vraiment grand et noble, digne de l’attention sérieuse d’un Génie … : le Cube Céleste Spirituel ».
La suite est un exposé de ce que l’auteur estime devoir être le but et l’objet de la Fraternité. L’inspiration des Old Charges est évidente. L’Histoire Légendaire est paraphrasée, jusqu’à l’insistance sur les Arts Libéraux. Dans une phrase annonçant un degré “beyond the Craft”, l’auteur écrit « Ye are living Stones, built up a spiritual House, who believe and rely on the chief Lapis Angularis, which the refractory and disobedient Builders disallowed “.
Il termine en s’adressant “aux Frères de la Classe la plus élevée » : « and these few words I shall speak to you in Riddles, because to you it is given to know those Mysteries which re hidden from the Unworthy”. Quels sont ces Mystères réservés à ceux qui en sont dignes ? la description de ce mystère s’étend sur plusieurs pages où on retrouve les grands thèmes hermétiques, le Roi et la Reine, les quatre éléments, le Lion, l’Aigle, les Crapauds, la table de Porphyre et le Dragon qui se dévore la queue … Toutes choses que ne peuvent comprendre que ceux connaissent les Secrets de la Maçonnerie
Très juste ! D’où le commentaire que j’en fais dans mon livre.
Bonjour,
L’historiographie des origines de la FM en France va bientôt connaître un nouvel événement : la parution d’un nouveau livre écrit par A Bauer et R Dachez (Nouvelle histoire des FM en France des origines à nos jours) chez Tallandier https://www.amazon.fr/Histoire-franc-ma%C3%A7onnerie-Collectif/dp/2847346104/
La confrontation, que j’espère fraternelle bien que divergente, entre les recherches de A. Kervella et les arguments de ces pointures médiatiques devrait nourrir nos réflexions en matière d’histoire de la FM.
Dans ces échanges probablement virils, malheureusement Kervella partira avec un handicap : la notoriété médiatique des deux écrivains parisiens et de leur maison d’édition bien mieux introduite chez les distributeurs. L’historiographie est un phénomène sociologique et s’écrit au présent bien que portant sur le passé et reflète la société qui la porte.
Ainsi bien souvent, la réception d’une recherche, et du moins ce qu’on reconnaît communément comme vrai, est largement influencée par l’aura de ceux ou celles qui la portent et la diffusent.
Une conférence, avec la dynamique des prises de paroles, qui mettrait en présence ces pointures avec A Kervella permettrait un enrichissement et des échanges fructueux pour ceux qui s’intéressent aux origines continentale et britannique de la FM.
Je rêve peut-être.
Je n’ai pas de commentaires à faire car je n’ai pas encore le livre de AK en possession, mais je suis très très intéressé par des commentaires intéressants, faire des recherches perso et puis faire mes propres constatations.
Commençons par le « démon de l’analogie » (cf commentaire des pp. 120 et 122). Le principe de représenter des colonnes encadrant un thème qu’on souhaite mettre en valeur est fréquent au 16e et 17e siècle, et ne concerne pas que la FM, loin de là. Il est emprunté aux descriptions littérales de la Bible. Ces colonnes sont parfois cylindriques, parfois carrées. Parfois pleines, parfois creuses avec statues en ornement. J’invite P.N. à mieux s’informer des habitudes (souvent mimétiques) des graveurs à cette époque.
Mais combien de colonnes ? 2 ou 4 ? Il existe au musée d’Israël, à Jérusalem, une pièce de monnaie qui a été fabriquée pendant la révolte de Bar Kokhba. Sur l’avers est une figure du temple. Le revers évoque le Soukkot. Au centre de l’avers est figuré le temple de Jérusalem. Au milieu est posée l’arche d’alliance. A l’entrée, de chaque côté, sont deux paires de colonnes cylindriques, ce qui fait quatre en tout. Et voilà, comment le démon m’inspire. Je préfère me fier à des représentations anciennes, archéologiquement authentifiées, qu’à des extrapolations tardives. Je rappelle que la révolte de Bar Kokhba se situe entre 130 et 135 anviron. La présence de l’arche d’alliance dans la taille de la monnaie garantit que, pour ceux qui l’ont ainsi conçue, il s’agit bien du temple de Jérusalem. Donc 2 ou 4, où est Jakin et où Boaz?
Faut-il par ailleurs rappeler que je ne situe pas l’apparition de la FM sous le règne de Jacques 1er, ce que P.N. tend à faire croire. Je dis seulement que sous ce règne se constitue un arrière-plan littéraire et symbolique qui nourrira après coup les partisans de son fils Charles 1er.
M. Kervella, je crois que les usagers de ce blog feraient mieux de lire votre étude et puis de se référer éventuellement aux remarques de M. Négrier. Cette méthode me paraît logique et même maçonnique (la planche et ensuite les interventions des F. de l’Atelier). Que vois-je chez M. Négrier : un ensemble de considérations tirées de leur contexte (c’est-à-dire votre texte)…
Avec tout le respect que je vous dois, vous risquez ici d’être pris dans une nasse en répondant au coup par coup.
Que les F. se donnent la peine de vous lire et puis d’écrire.
Bonjour Joël. L’essentiel de ce que les commentaires de P.N. m’inspirent prendra place dans une publication à venir. Pour l’instant, je souhaite éclairer les internautes sur quelques points de curiosité. Cela me divertit du nouvel ouvrage que je suis en train d’écrire sur les représentations de Dieu dans les textes maçonniques.
Bonjour à tous!
Je pressens à nouveau un échange riche, et souhaite qu’il soit exempt de tout propos pouvant être interprété comme une attaque personnelle.
L’ouvrage d’André m’a été livré avant-hier. J’attends de l’avoir lu et digéré pour donner ma propre opinion (et je précise avoir lu à plusieurs reprises l’ouvrage de Pierre Méreaux), mais ne le ferai qu’après avoir tenté de comprendre (au moins un peu, parce que comprendre les mentalités anglaise, écossaise et irlandaise n’est pas à la portée d’un cerveau continental moyen, surtout en ce qui concerne la première) la situation entre orangistes/hanovriens et stuartistes/jacobites d’un point de vue de l’histoire générale et non de l’histoire maçonnique.
J’en profite pour vous soumettre un petit problème. Dans son ouvrage « Les origines du grade de Maître », Goblet d’Alviella écrit ceci: « Nous avons la preuve qu’en 1720 il y avait, au sein ou à côté des Loges, un groupe de Maçons qui prétendaient superposer un enseignement ésotérique aux deux degrés alors existants. En effet, c’est à cette date qu’un familier de Lord Montagu, Robert Chamber, publia, sous le titre de Long Livers (les « Longs Vivants ») la traduction d’un ouvrage hermétique français, dédiée aux « Grand Maître, Maîtres, Surveillants et Frères de la Très-Ancienne et Très-Honorable Fraternité des Francs-Maçons ». Dans la préface. Chamber déclare s’adresser « aux Frères du degré supérieur qui se tiennent derrière le
voile ». Il emploiera, en conséquence, « le langage hermétique, que peuvent seuls comprendre les Enfants de la Science et ceux qui ont été éclairés dans les plus sublimes Mystères et les plus profonds secrets de la
Maçonnerie ».
Ce passage est signalé par Paul Duchaine, qui parle de 1722 au lieu de 1720, dans « La FM belge au XVIIIe siècle ».
Cela dit-il quelque chose à quelqu’un (indépendamment de la valeur de « preuve » que la citation pourrait avoir)?
Excellente journée!
Long livers (« Ceux qui vivent longtemps ») de 1722 est de Robert Samber (à ne pas confondre avec Ephraïm Chambers). Ce n’est pas la traduction d’un livre hermétique mais est de bout en bout un texte écrit par ledit Samber en personne. C’est un traité naïf justifiant la pratique de l’alchimie dans le but d’acquérir une longévité comprise au sens littéral, physiologique. Le texte exact est le suivant : « My brethen, you of the higher class… I shall speak to you in riddles (énigmes) because to you it is given to know these mysteries which are hidden (cachés) from the unworthy (indigne)” (page XLIX). Il n’y est nullement question de quelque voile que ce soit.
Il faut avoir lu livre de Kervella pour comprendre les remarques de Négrier. Quant aux coquilles, pratiquement tous les livres actuels en contiennent vu que les éditeurs ne font pas leur boulot de relecture correctement. Certains ne lisent même pas les livres qu’ils publient ! Enfin, je ne vois pas de mépris dans les propos de Kervella à propos de ses confrères.
Je répondrai ultérieurement, dans une autre publication, aux propos critiques de Négrier. Je note déjà un grave problème de sémantique. P.N. stigmatise ce qu’il appelle des erreurs de ma part. Je dirai plutôt qu’il s’agit de divergences d’interprétation. Des erreurs, tout le monde en commet, y compris lui-même. En revanche, sa démonstration porte essentiellement sur l’affirmation de points de vue différents du mien. La plupart d’entre eux procèdent d’un positionnement sentimental qui consiste à valoriser ce qu’il définit comme le « rite du mot de maçon ». Il y croit, c’est son droit. De même qu’il croit en l’influence déterminante des calvinistes au 17e siècle dans l’invention de la franc-maçonnerie spéculative. Valoriser non les jacobites (ce terme est postérieur à 1688, ce qu’il semble ignorer) mais les stuartistes est une possibilité bien plus recevable. Je m’interroge d’ailleurs sur un vide documentaire dans l’ensemble de son oeuvre : a-t-il pris connaissance des archives concernant les règnes des Stuart, dont une grande partie relative aux jacobites, notamment celles de Windsor ? Je crains que la réponse soit négative. En l’absence de recherches sérieuses sur ces documents, il y a donc incongruité à juger précipitamment de l’état du dossier.
Les commentaires 151 & 152 de P.N. montrent assez précisemment que Anderson n’est pas un imposteur.
Tout au contraire, c’est un authentique maçon qui transmit la maçonnerie écossaise en Angleterre, et s’il n’est pas le rédacteur de la totalité du texte de 1723 ponctuation incluse, il en est le directeur, Anderson est l’Auteur des Constitutions de 1723 & 1738.
D’autre part, cette note critique suffit à démontrer la réalité de la théorie de l’emprunt : l’incompréhension primaire de la maçonnerie, de la signification de son (ses) rite(s) et de son objet.
Cette fantaisie de l’emprunt qui prétend que Anderson, Désaguliers et Montaigu singeaient une pratique ancestrale pour se divertire, par le nombre de ses incohérences, de ses contradictions et de l’ignorance volontaire de faits qui la destabilisent, relève de ce que P.N. décrit très justement comme une « pure fiction totalement inventée par [ses promoteurs] qui cherche[ent] à démontrer une thèse plutôt qu’à déduire humblement de la documentation les implications qu’elle contenait. » 319.
Merci Mon TCF Patrick Négrier pour cette exceptionnelle synthèse qui porte bien au-delà de l’ouvrage qu’elle se propose humblement de critiquer.
Très Frat.