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Le premier décret de la dictature de Salazar a eu le même objet : faire sortir du bois les francs-maçons. On a beau dire que la transparence le veut, qu’on vit désormais dans une société démocratique et que cette obligation n’a rien d’anticonstitutionnelle. La maçonnerie n’est ni une entreprise, ni un lobby, ni une entité destinée à monnayer le trafic d’influence ou à favoriser la corruption. La Constitution portugaise garantir la discrétion quant à ses convictions religieuses ou politiques. La maçonnerie n’est certes pas une religion ni représente-elle un seul parti politique, mais la liberté de conscience est bien la pierre angulaire de la maçonnerie libérale et, dès lors, on peut sans crainte de se tromper dire que cette loi – qui, en outre, a l’outrecuidance de mettre sur un même pied d’égalité l’Opus Dei et la maçonnerie – est belle et bien anticonstitutionnelle.
Je reproduis ci-dessus un article que j’ai publié en 2013 nos feuillets sur Fernando Pessoa, attaquant précisément le décret mentionné plus haut.
FERNANDO PESSOA (1888-1935)
SUR LA BRECHE POUR LA FRANC-MACONNERIE
Fernando Pessoa est, aux côtés de Vasco da Gama et de Camoës, une des figures emblématiques du Portugal, à laquelle on peut appliquer sans hésiter cette épigramme de Nietzsche : “Certains naissent à titre posthume.” De son vivant, il n’a publié qu’une espèce de dialogue socratique, “Le banquier anarchiste”, dont la première version a été rédigée en 1922 mais qu’il a réécrit peu avant sa mort en 1935, et un recueil de poèmes, “Message”, récompensé en 1934 par l’organe de propagande du régime de Salazar. Ce dernier sévit en dictateur de 1932 à 1968 mais fut, en 2007 encore, plébiscité “plus grand Portugais de tous les temps”.
Dans le premier ouvrage cité, Pessoa met en scène un banquier d’origine modeste qui tente de démontrer que non seulement il n’a rien renié de ses idéaux mais qu’il est en outre le seul à mettre ceux-ci en pratique en accumulant le plus possible d’argent pour n’avoir pas à en subir l’influence néfaste.
“Message”, en revanche, est toujours considéré comme un hymne inégalé à la nation portugaise, conçue par l’auteur comme la pierre angulaire de l’humanité entière. Ainsi, il proclame que “toutes les nations sont des mystères, à soi seule chacune est le monde entier”.
L’ouvrage le plus connu de Pessoa, “Le livre de l’intranquillité”, rédigé soi-disant par Bernardo Soares, un double de Pessoa, ne sera toutefois publié qu’en 1982, c’est-à-dire quarante-sept ans après la mort de l’auteur mort à quarante-sept ans !
La plupart des commentateurs font de Pessoa tantôt le tenant du modernisme littéraire, tantôt l’adepte d’un ésotérisme mystique. Mais c’est un auteur tout à fait unique en son genre, patriotique mais aussi cosmopolite, mystique mais aussi rationaliste.
L’année de sa mort, le 4 février 1935, il publie, au nez et à la barbe de la censure (instituée en 1927 et dont on se demande encore aujourd’hui comment sa vigilance a pu être trompée, la censure s’appliquant même aux organes de presse favorables au régime), dans le Diário de Lisboa, un éditorial sur les “associations secrètes”.
C’est à la faveur de notre séjour, cet été, chez notre Frère José, que nous avons découvert le texte intégral de cet éditorial, qui démontre – si besoin était – que Fernando Pessoa n’est pas une bête curieuse, mais un homme engagé par des liens fraternels avec tous les francs-maçons, même s’il avoue ne pas être franc-maçon lui-même. Sur base de ses propres écrits, on estime qu’il était vraisemblablement rose-croix ou templier.
Peu importe cependant, car sa défense de la franc-maçonnerie, au moment où le Portugal de Salazar voulait, comme l’Italie de Mussolini, mettre les loges hors-la-loi, est sans ambiguïté.
Pessoa tient lui-même à lever le doute sur son opposition au régime en place, lui qui vient pourtant de recevoir de l’organe de propagande suprême le premier prix pour son recueil de poèmes, “Message” : “Un événement indépendant de Message, postérieur à la publication de celui-ci, a augmenté la perplexité de plus d’un lecteur de mon livre. Cet événement, ce fut mon article sur les associations secrètes, publié en première page du Diário de Lisboa du 4 février. Cet article constituait une attaque contre une proposition de loi – devenue loi entre temps – relative aux associations secrètes. J’y pris la défense intégrale de la Maçonnerie, contre laquelle la proposition était alors dirigée et contre laquelle la loi se dirige aujourd’hui. L’article émane manifestement d’un libéral, ennemi radical de l’Eglise de Rome, qui voue – et il s’agit là d’un sentiment sans équivoque car spontané – à la Maçonnerie et aux maçons une affection profondément fraternelle.”
L’Assemblée Nationale approuva rapidement la proposition de loi à l’unanimité, soit dit en passant juste après la loi organique sur l’Assemblée Nationale elle-même, ce qui démontre que le nouveau régime voulait en faire la pierre angulaire de l’Estado novo, dont l’Eglise allait, comme en Espagne quelques années plus tard, constituer la colonne vertébrale. Pourtant, en 1910, les francs-maçons avaient joué un rôle déterminant dans l’instauration de la République. La loi allait jusqu’à exiger de tout fonctionnaire qu’il déclare solennellement n’appartenir à aucune loge.
Au moment où Pessoa écrit son article, ce n’est cependant encore qu’une proposition d’un suppôt du nouveau régime. Mais Pessoa, auteur de textes quelquefois hermétiques, s’y montre au grand jour en s’attaquant à l’auteur intellectuel de la proposition de loi, un certain José Cabral, qu’il traite de digne émule des inquisiteurs.
Après avoir raillé le fait que le député en question veut légiférer sur ce qu’il ne connaît absolument pas, il passe en revue la définition d’”association secrète”. Si par “association”, on entend toute assemblée de personnes poursuivant un même objectif, et par “secret” le fait que cette assemblée ne soit pas ouverte au public, Pessoa conclut que le Conseil des Ministres lui-même mérite d’être déclaré hors-la-loi.
Trêve de plaisanterie. Pessoa ne voit que deux “associations secrètes” possibles visées par la proposition : la Franc-Maçonnerie et la Compagnie de Jésus. Il faut savoir que le Marquis de Pombal, qui a reconstruit Lisbonne après le tremblement de terre de 1755, avait fait expulser les jésuites. Deux siècles plus tard, suppose Pessoa, ce ne sont bien entendu pas les jésuites qui sont visées, mais bien les francs-maçons.
Et Pessoa de poursuivre : “La Maçonnerie n’est pas une association secrète. C’est un Ordre secret et, au plein sens du mot, un Ordre initiatique. Mais M. Cabral ne sait probablement pas en quoi consiste la différence. Voilà justement où le bât blesse : il ne sait pas. Et s’il ne sait pas maintenant, il est probable qu’il ne saura jamais. Moi, en tout cas, je ne pourrai pas l’éclairer davantage. Tout au plus, je ferai une tentative en demi-teinte.”
Pessoa passe alors en revue les tentatives de Mussolini, de Primo de Rivera et de Hitler pour abattre les colonnes des Loges maçonniques sans vraiment parvenir à anéantir celles-ci. Il fait remarquer que beaucoup de maçons, membres des forces armées, de la marine et de l’administration, refusant de renier leur engagement, seront mis à pied, ce qui réduira leurs familles, souvent très pieuses, à la misère.
Enfin, Pessoa brosse un tableau complet de la franc-maçonnerie dans le monde et fait remarquer que les maçons sont six millions en tout. Cinq millions sont anglophones, tandis que le million restant est réparti dans plusieurs obédiences dont le Grand Orient de France est la plus influente. Le Portugal s’isolera dès lors au niveau international. Selon Pessoa, la franc-maçonnerie a beau être matériellement divisée (il fait notamment référence au schisme entre la Grande Loge d’Angleterre et le Grand Orient de France survenu en 1877), elle est spirituellement unie.
“La Maçonnerie est composée de trois éléments : l’élément initiatique, raison pour laquelle elle est secrète ; l’élément fraternel ; et enfin l’élément que j’appellerais humain – c’est-à-dire qu’elle est composée de diverses sortes d’hommes, de degrés d’intelligence et de culture différents, et comme elle existe dans pas mal de pays, elle est sujette à diverses circonstances historiques qui font qu’elle réagit différemment au niveau sociétal. Par rapport aux deux premiers éléments, qui constituent le véritable esprit maçonnique, l’Ordre est toujours et partout le même. Quant au troisième élément, elle présente, comme toute institution humaine, secrète ou non, différents aspects imputables aux maçons individuels mais pas à l’Ordre en tant que tel.”
Pessoa conclut que les anti-maçons sont les descendants intellectuels de ce célèbre prédicateur qui avait découvert – pour comble de bêtise – que Hérode et Pilate étaient les Surveillants d’une Loge de Jérusalem !
En guise de conclusion, saluons le courage d’un auteur devenu seulement après sa mort une icône tant de son pays natal que de la littérature mondiale. Le fait qu’il ait osé publier, l’année de sa mort, ce brûlot dans un grand quotidien de la capitale contre le projet du régime qui venait de lui décerner un prix prestigieux, mérite toute notre admiration. Certes, son chant du cygne a été un vibrant plaidoyer pour la maçonnerie tout entière, et à ce titre nous flatte, ce que ne pourrait avoir fait un Frère respectueux de nos préceptes. Entre-temps, Pessoa s’est montré le digne défenseur de la liberté de l’esprit contre un régime liberticide et indigne !
Merveilleux le : « champ facultatif à remplir » ! Je crois que l’on a rarement étalé autant de sournoise mauvaise foi et de dissimulation avec des textes tout simplement « liberticides » (mot à la mode actuellement.).
Les amicales des Grandes Écoles, les réseaux homosexuels, les préférences religieuses ou politiques les sociétés régionales, devront-ils faire partie de la prochaine obligation ?
Il serait temps de porter plainte contre ces formes d’intimidation qui alimentent tous les délires.
Une décision de la Cour Européenne des Droits de l’Homme de 2007 condamne la région italienne du Frioul pour avoir réclamé les mêmes obligations pour les candidats à toutes charges publiques de la région.
Le Grand Orient d’Italie avait porté plainte sur ce sujet. Il existe donc déjà une jurisprudence européenne qui couvre le champ précis de ce projet.
J’ignore les suites données à la décision de 2007, mais l’Italie est signataire de la convention de 1959, et donc a dû appliquer la décision, même si la CEDH ne peut contraindre les états.
De même au Royaume Uni depuis 1998, sous le gouvernement Blair (!) les magistrats sont-ils obligés de révéler leur appartenance à la FM. Personne n’ayant porté plainte devant la Cour, cette mesure pourtant stupéfiante est toujours en vigueur. Il n’est pas trop tard pour bien faire, car si le RU a quitté l’UE, il reste membre du Conseil de l’Europe dont dépend la CEDH.
Il semblerait donc clair que la mesure portugaise tombe en plein champ de la jurisprudence de l’affaire du Frioul, si une obédience locale devait porter l’affaire devant la Cour, ce qui semble indispensable et salutaire.
Il est tout de même inquiétant que des mesures aussi ouvertement discriminatoires puissent rencontrer encore aujourd’hui un tel succès en Europe, et singulièrement dans l’Union….
Ca rappelle furieusement quelque chose de puant ……. :o(((
Et pendant ce temps-là les anti-masques, les anti-pass et les anti-vac nous bassinent avec leur notion « confortiste » de liberté
Comme dirait Joe B. « n’ont-ils pas honte ? »
C’est remettre le doigt dans un engrenage liberticide. Cela me peine de constater que si près de nos frontières la maçonnerie soit redoutée. Par méconnaissance peut être ou tout simplement par mesure de contrôle d’un pouvoir qui souhaite disposer de listes de libre penseurs (l’Opus Dei pas vraiment libre penseur) à toutes fins utiles…
Ces obligations de déclaration laissent un mauvais souvenir en France et ailleurs..
On n’a sans doute pas voulu viser la seule maçonnerie en associant l’Opus Dei…..
Y a -t-il d’autres entités « discrètes » qui soient visées?
et ces déclarations « d’intérêts » qui y a accès?