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(Suite et fin)
Les premières femmes régnantes, les Dévas, les Fatas, les Génies, les Almées, les Izeds, les Archanges, etc., représentent d’abord l’Esprit universel. L’art antique leur a toujours donné des figures féminines. C’est pourquoi l’idée de maternité sera liée à l’idée de Divinité : La femme est la créatrice de l’enfant, donc c’est la Divinité qui crée l’humanité, et qui la crée mâle et femelle, car la mère enfante les deux sexes.
Ceux qui ne mettent pas la religion naturelle où elle est, c’est-à-dire au début même de l’évolution psychique, ne peuvent rien comprendre à la vie des primitifs.
Les premières naissances, qui devaient beaucoup occuper les femmes, ont laissé, dans les sciences antiques, l’empreinte de la sollicitude qui les entourait. Partout nous retrouvons l’enfant entouré de soins incessants par les Fées, les Marraines, les Anges gardiens, etc.
En Egypte, sept divinités belles et sages veillaient sur le nouveau-né et présidaient à ses destinées. On les représentait sur les maisons (quand il y en eut), dans les habitations, sur les monuments.
Elles étaient les Génies tutélaires.
Ces préoccupations nouvelles dans la vie des femmes durent amener de grands changements dans les relations des deux adolescents primitifs.
Chez la femme, ce fut l’éveil de l’amour maternel qui succéda à l’étonnement, à la curiosité des premiers moments, amour fait d’intérêt pour ce petit être qui surgissait d’une façon si imprévue et de la tendresse qui résultait, surtout, du contact intime de cette vie qui cherche l’abri maternel, la chaleur et le lait de la Mère.
Ce sentiment grandissait et devenait bientôt cette affection profonde qui domine toute la vie de la Mère et lui inspire un dévouement sans borne.
Quant à l’homme, il eut sans doute aussi un mouvement de curiosité, même d’intérêt et d’affection pour ce petit être que sa sœur naturelle venait de mettre au monde, mais cela ne l’empêcha pas de suivre les impulsions de sa nature, qui étaient autres, et, en voyant se prolonger cette préoccupation nouvelle de la Femme qui lui créait un amour dont il n’était pas l’objet, un commencement de jalousie naquit et ce fut le germe de discordes futures.
Néanmoins, dans tous les hommes, à moins qu’ils ne soient des monstres, le souvenir maternel a laissé dans l’Âme une impression profonde faite de respect et de tendresse sacrée.
Un supplément de lecture au sujet de la « Providence », si accepté.
Dans toutes les antiques traditions, la Mère est considérée comme la Providence pourvoyant à tout et distribuant aux humains toutes les choses nécessaires à la vie.
Sous cet aspect, nous trouvons qu’on lui avait élevé un Temple dans l’île de Délos. On y voyait une femme âgée et vénérable qui tenait d’une main une corne d’abondance, les yeux fixés sur un globe vers lequel elle étendait une baguette qu’elle tenait de l’autre main, ce qui signifiait qu’elle répand l’abondance sur toute la Terre. Ceci nous révèle, à la fois, son rôle universel de Mère nourricière et de Mère spirituelle, enseignant aux hommes les lois de la cosmologie, toutes découvertes pendant cette époque primitive. Les grands Livres sacrés de tous les pays en font foi.
Nous trouvons aussi, dans les archives du passé, une Cérès Mammosa, ainsi nommée à cause d’une infinité de mamelles pleines qu’elle avait autour d’elle, comme une Mère nourrice de tout le monde.
Diane fut surnommée Pédotrophe (qui nourrit les enfants).
On appelle « Messies » les Déesses des moissons. Il y en eut une particulière pour chaque espèce de moisson.
Les Déesses avaient toutes un peuple d’affidés (a préfixe, fides, foi) qui portaient sur eux, à découvert, l’emblème de leur dévouement. Chez les Celtes, les dévoués de la Déesse Néhal-Ennia portaient un anneau, et c’est du nom de la Déesse « Ennia » qu’on fît annulus (anneau).
Rappelons que le terme « Déesse » était le nom générique de toutes les femmes supérieures et qui n’indiquait alors que les qualités morales inhérentes au sexe féminin. Pas de surnaturel ; partout les mêmes principes, c’est-à-dire les mêmes commencements, avaient pour base la nature même, encore inviolée.
Dans les pays où la Déesse était une Magicienne faisant des choses merveilleuses (des guérisons, des travaux de fée) qu’on désigne par le mot « sortilège », l’anneau qui lie à elle s’appelle « sortija ».
Ceux qui portaient un collier autour du cou, appelé cadena ou catena (chaîne), étaient les Catanes, et ce nom resta longtemps pour désigner celui qui fait partie d’un ordre et en porte le cordon. La chevalerie, qui est la pratique de l’équité, la Justice Divine, équitable (d’où équestre), et qui est le culte primitif, a toujours représenté les chevaliers, initiés à la doctrine, munis d’un cordon qui est l’insigne de l’ordre. Ce cordon représente le lien moral qui attache l’homme à la Divinité, comme le cordon ombilical attache l’enfant à sa mère. Le mot « Europe » le désigne (« Eu », lien ; « rope », corde, cordon, lien, ligature). Cette corde a fait cordial, lien du cœur. C’est parce qu’une Déesse a créé la doctrine de Vérité, qui est la base même de toute religion, qu’on la désigne elle-même sous le nom d’Europe. On sait que c’est un des surnoms de la Déesse Diane. Ce mot, traduit dans toutes les langues, est devenu chez les Latins « religare », c’est-à-dire « religion » ; primitivement, on disait « red-ligio ».
Les affiliés de la Déesse Mâ-Bog (qui a donné son nom à la ville de Maubeuge) avaient, imprimée au cou, la marque du collier.
La Déesse Bendis a des serviteurs qui s’appellent Bendès, Bender, ce qui veut dire lier (Dea, Dêva, Dieva, Diana fait Dienen qui signifie « servir »). Dans la langue phénicienne, la discipline se dit « Iaca ». De ce mot dérive Jugum (joug), servitude volontaire, ainsi que l’oriental yogi (religieux), et jacha huaca, la maison disciplinée de Cusco.
Yago (dont les Catholiques feront Santiago) est un ancien nom donné au joug druidique chez les Callaïques (en Galice). Les initiés portaient le collier de l’ordre, Torques, ce qui est l’origine de la légende populaire qui donne pour disciple au patron de l’Espagne (Santiago de Compostelle) San Torcuato.
Théophile Cailleux, qui voit la source de toute civilisation chez les Celtes, dit dans son livre (Origine celtique de la civilisation) : « Le principe de servitude volontaire ne se borna pas au pays des Celtes ; la discipline druidique se répandit partout, jusque sur le continent américain, jusque dans les îlots les plus reculés de l’Océanie. »
Il était des Déesses, comme Bhâvani aux Indes, dont le culte était continué par une série indéfinie de Prêtresses. Elle était surnommée « Dordji Pa Mou », c’est-à-dire Sainte Mère.
« En considérant la Sainte Mère au Thibet, dit M. Cailleux, il est facile de voir ce que furent, dans les temps druidiques, les Abbesses de nos Monastères. Bhâvani habite un palais tout entouré de chapelles et de couvents ; quand elle sort, on la porte sur un trône ; les thuriféraires la précèdent, une foule pieuse et dévote se prosterne devant elle pour baiser le sceau qui sanctionne ses décrets. Elle possède donc encore dans toute leur plénitude les immortelles prérogatives de la Divinité. La maison-mère des druidesses de Bretagne était à Anglesey, et les Romains les appelaient Ordovices (Ordo en latin, Orthos en grec sont les racines de ce mot) ; leurs jugements s’appelaient ordalies (« oor », grand : « deel », jugement).
« Ses antiques sœurs des pays occidentaux, au contraire, sont depuis longtemps dépossédées de leur premier état, rentrant peu à peu dans la simple nature humaine. Elles n’étaient plus, dans ces derniers temps, malgré le faste qui les entourait, que de simples mortelles » (Origine Celtique de la Civilisation).
Il est impossible de citer toutes les Déesses qui furent honorées sur cette terre d’Europe, dont le nom est celui d’une femme ; le nombre en est immense, parce que la plupart des femmes prenaient un rôle dans cette jeune activité humaine qui n’était pas encore entravée, et le mot Déesse les désignait toutes comme le mot Fée.
Donc, la religion des Celtes avait un idéal élevé. Les Druidesses qui l’enseignaient avaient un grand prestige ; le peuple les croyait douées d’un pouvoir surnaturel. Leur souvenir se confond avec celui des Fées.
La parure d’un Celte était son collier ; il le portait en ambre ou en or, et ne le quittait jamais. On alla même jusqu’à enterrer les morts avec leurs colliers, et dans les tombes on retrouve encore les aïeux parés de cette marque de noble servitude. Le collier indique que l’on fait partie du parti de l’ordre, c’est pour quoi on disait « collier de l’ordre ».
Les Druides, qui étaient les affidés des Druidesses, portaient un collier d’or, Torques en celte, d’où Torquatus (voir Garciles, Histoire des Incas).
Le plus grand triomphe qui pût illustrer les soldats de Rome c’était d’enlever à un Gaulois le collier qui le vouait à la grande Déesse, et le surnom de Torquatus (de Torques, collier en latin) était la récompense accordée au héros qui avait obtenu ce succès.
Le souvenir de cet Age d’or a traversé les âges. Il vivra aussi longtemps que l’humanité.
Du foyer où la Femme était la « Mère-Abeille », sortit la plus belle série d’inventions qui ait illustré une époque.
Gloire éternelle aux grandes femmes qui ont créé la civilisation antique, jamais dépassée ! Gloire et respect à la Mère Divine, LA PROVIDENCE.
Des primitifs adolescents et de la Providence…
« Il se trouve dans les trois quarts des hommes un poète qui meurt jeune », a dit Sainte-Beuve.
Dans l’enthousiasme des premiers élans, des premiers désirs, il soupire, il chante, il exhale son âme aimante et joyeuse, sans entraves sociales, sans atavisme générateur d’une timidité annihilante, sans ennemis encore, il marche en avant dans ses passions naissantes sans savoir où elles le mènent, sans crainte d’un danger inconnu. L’enthousiasme poétique de la jeunesse le saisit tout entier. C’est le premier éveil des sentiments qui vont envahir le cœur de l’homme et bientôt jaillir comme un fleuve impétueux. Pendant que la jeune fille grandissait en beauté, en esprit, elle prenait aux yeux de l’adolescent primitif un prestige infini. Il voyait en elle un Etre très supérieur à lui, un Etre bien au-dessus de la nature masculine plus grossière. Elle était donc sur-naturelle à lui.
C’est ainsi que l’homme adolescent et la belle jeune fille vivaient au sein de la grande Nature, essayant le premier bégaiement d’amour et établissant entre eux le lien sacré qui devait les unir.
La jeune fille était resplendissante de grâce et de beauté, telles nos adolescentes modernes qui repassent par ce stade de la vie ancestrale. Elle entrait en possession d’une intelligence lucide, d’un esprit élevé ; la Nature la captivait, elle l’observait, son intuition féminine lui en faisait découvrir les lois, elle se perdait en contemplations célestes dans les belles nuits étoilées, elle arrivait à connaître le ciel et à comprendre le principe des forces universelles qui régissent les mondes…. Alors, dans les conversations du soir, elle versait dans l’esprit du jeune homme cette première science, en même temps qu’elle faisait naître en son cœur les premiers bonheurs.
Lui, l’écoutait, il l’admirait, il l’adorait. Elle était sa Déesse. Elle fut la première forme de la suprématie intellectuelle et morale qui apparut à l’adolescent. C’est pour cela que l’homme porte gravé au plus profond de son cœur l’empreinte féminine, empreinte spirituelle, parce que la première femme qui a éclairé sa pensée ne représentait pas le sexe, mais l’esprit.
Sa pureté lui inspirait cette crainte respectueuse que résume le mot « red-ligio » et qui devint le respect divin ; sa gloire l’éblouissait, il la voyait bien haut et, soumis, il écoutait attentif son enseignement.
Les révoltes de l’orgueil mâle n’étaient pas encore nées, pas non plus ses jalousies. Dans son esprit, encore droit, avec son imagination qui commençait à s’exalter, il rendait hommage à celle qui était sa directrice spirituelle, sa maîtresse suprême.
Cet hommage fut le premier de tous les cultes, il est à l’origine de la Religion.
La femme de ces temps lointains chante des hymnes spontanés et inconscients, elle exhale son bonheur de vivre, d’être ce qu’elle est, l’Être des Êtres, d’avoir en elle toutes les béatitudes. Dans ces premiers chants, elle admire la grande Nature, elle n’adresse pas de prières, elle n’a rien à demander, elle a tout reçu, son chant est l’expression de son allégresse.
Si la poésie sacrée est pleine de l’exaltation de l’âme féminine, l’histoire humaine est pleine de l’aspiration de l’homme vers la Déesse vivante, puissance morale, avec une intelligence sûre d’elle-même et dont on peut observer l’action tutélaire à travers la marche évolutive de l’humanité.
L’homme sent, malgré lui, une main toute-puissante qui le meut, et il l’appelle « Providence », de « pro-videre », prévoir, d’où pourvoir, Puissance qui prévoit et qui pourvoit, qui pense pour lui, qui le dirige en ses actions, et fait le Bien à son insu, ne sachant pas, ou ne voulant plus savoir, que cette action bienfaisante, c’est la manifestation de l’esprit féminin.
L’homme sent que la Nature eût été injuste si elle l’eût laissé livré à son propre sort, et il se rattache à cette puissance sur-naturelle, c’est-à-dire sur-masculine, de laquelle il attend la direction qu’il ne sait pas se donner lui-même ; il sent qu’il y a, au sommet de l’humanité, une Divinité chargée de l’éclairer et de le diriger, une éternelle raison qui gouverne le monde.
La femme supérieure, la Déesse, était l’organisatrice de la vie sociale, le grand architecte de l’Univers. Dans toutes les Ecritures primitives, il était parlé des architectes (archi-tekton, en grec, de tekton, charpente qui soutient une œuvre) synthétisés par le « Théos collectif », c’est-à-dire toutes les Déesses dirigeant chacune un groupe social, une famille.
La « Providence » était le Démi-Ourgos, ce qui veut dire qu’elle était la puissance qui organise la Terre en même temps que la Mère qui produit l’homme.
Elle était donc la Providence de ceux qui étaient groupés autour d’elle. Elle les instruisait, elle les pacifiait ; car c’est elle qui rendait la Justice. Sa fécondité mystique était figurée par les fleurs et les fruits qui remplissaient son giron, tel une partie de ce symbolisme figurant sur le linteau de la photo.
Ainsi nous comprenons ce que nos pères appelaient le « giron de l’Eglise ». Autour d’elle étaient ses « enfants » dévoués.
La vie morale était tout dans cette société antique. Le lien qui unissait les hommes à la femme était la base de la domination de soi-même qui élève l’homme.