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Géplu.
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Bon voyage mon BAF Yves-Fred…
Je t’avais vécu délicieusement fraternel. Toujours le sourire aux lèvres, le propos modéré, le temps disponible. Plus qu’en Loge nous nous étions appréciés dans le cadre de ta chère Revue L’Initiation. Pourquoi, un soir, m’as-tu proposé d’y collaborer alors que je n’avais aucun titre ou expérience particulière dans ce domaine ? Cela restera pour moi un agréable mystère… Mais ainsi, au long de plus de quatre années et de quatorze numéros successifs, tu me vis te porter, sans la moindre contrainte, mes trente pages trimestrielles. Grâce à toi, mon Bien Aimé Yves-Fred, je découvrais le plaisir d’une ascèse de recherches, de synthèse, d’écriture, de techniques typographiques. Sans doute, pour toi, banale activité d’un travailleur de presse et encore, ce n’était ni un hebdo, ni un quotidien… En ton absence de férule, je goûtais à la totale liberté que tu accordais à tes rédacteurs, sans rétention jamais pour quelques opinions trop affirmées ou mentions de faits un peu piquants. Puis nous nous sommes éloignés. Dernier numéro-papier bouclé, fin 2012, à cause de frais d’impression et postaux excessifs, la formule tout numérique m’inspirait moins. Eloignement géographique aussi. Chacun parcouru séparément sans restant de chemin. J’apprends tout à coup que tu viens de fixer le terme du tien. Un envol t’a rapproché de tes chers Saint-Yves d’Alveydre, Papus d’Encausse et son fils Philippe. A ta nouvelle table, ta nouvelle Loge, se joindront l’énigmatique Martinès de Pasqually, le désireux Saint-Martin et tant d’autres que tu as fréquentés par leurs textes et dans leurs témoignages. Avec toi un page terrestre de l’initiation vient de se refermer. Je te remercie, je te regrette. Tu m’as tant apporté. Par ton vide j’en prends conscience. Bon et très long voyage, mon Bien Aimé Frère Yves-Fred…
Je conserve un bon souvenir de mes différents contacts avec Yves-Fred Boisset qui connaissait mieux le martinisme que la maçonnerie dont il avait une connaissance assez vague. Il eut le mérite de s’intéresser à l’oeuvre de Saint-Yves d’Alveydre, héritier de la culture symbolique traditionnelle et dont le projet-programme mérite d’être discuté. Son objectif de repenser les rapports entre le judéo-christianisme et la politique pose de vrais problèmes mais la façon dont il les conçut demeure discutable tant par sa lacune que par son extension. Sa lacune : D’Alveydre se faisait du judaïsme et du christianisme une idée monolithique qui est fausse et entache sa réflexion d’erreurs (le judaïsme contient deux courants opposés, la plupart des auteurs bibliques s’étant opposés aux thèses du Lévitique, de même que le christianisme contient deux courants opposés : le courant apostolique qui s’opposa au courant paulinien représenté par les écrits de Paul et de son disciple Luc). L’extension indue de la réflexion de D’Alveydre : il chercha à s’opposer par la synarchie à deux courants politiques de son temps : l’anarchisme (qui était athée) et le socialisme (qui était isolé), l’idée étant de restaurer l’idéal théocratique en envisageant un retour du judéo-christianisme au pouvoir politique (gouvernement des Etats). Mais c’est là une extension qui va au-delà du christianisme, lequel n’envisageait nullement d’investir le pouvoir des Etats mais seulement de réformer les entendements et les moeurs (y compris sociales et politiques) par une éthique dont il convient aujourd’hui de penser en termes neufs les rapports avec le politique. C’est un problème complexe que chacun peut tenter de traiter. Le décès de Yves-Fred Boisset nous remet en mémoire son ouvrage sur D’Alveydre qui invite tacitement à repenser personnellement en termes neufs les rapports exacts qui existent et doivent exister entre judéo-christianisme et politique, et qui relèvent du vieux problème de la relation existant entre l’être et l’existence, c’est-à-dire entre les principes du logos ou intelligibilité de l’expérience de la vie d’une part, et d’autre part la matière de l’existence physique, sociale, géo-politique des Etats où nous vivons, lesquels sont pour la plupart en occident des démocraties où la laïcité entretient des rapports variables avec le judéo-christianisme, composé factuel qui constitue aujourd’hui la base incontestée de la majorité des philosophes qui traitent des questions de philosophie politique comme John Rawls (auteur de gauche écrivant sur la démocratie, le libéralisme, la justice sociale et leurs rapports à la religion) et Jürgen Habermas (penseur marxien écrivant sur l’éthique de la discussion, la démocratie et l’Europe).