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Et le GODF résista à l’entrisme des religieux.
Vingt huit ans, l’espèce est coriace, pour mettre hors d’état de nuire ces fossoyeurs de la Maçonnerie.
La porte est finalement claquée au nez de ces obscurantistes par un pasteur, qui dira en forme de solennelle mise en garde : Qu’elle ne descende jamais dans l’arène brûlante des discussions théologiques qui n’ont jamais amené -croyez en celui qui vous parle- que des troubles ou des persécutions.
Merci à Philippe Foussier pour ce texte vivant très agréable à lire, et pour son dernier, juste et parfait paragraphe.
Assez paradoxalement, la décision de 1872 de supprimer l’invocation du GADLU dans les Statuts du GOB n’affecta pas les relations (ou plutôt la quasi-absence de relations) avec l’Angleterre. En 1849, le GOB annonçait que les pourparlers en vue d’établir une correspondance régulière étaient en bonne voie.
Il n’en fut rien, silence qui n’empêchait pas des FF Anglais de visiter librement les LL belges.
Une visite du prince de Galles dans notre pays permit un échange de correspondance amical puisque, le 28 avril 1875, Goblet d’Alviella était officiellement invité à assister à l’installation du prince comme GM, cérémonie dont il fit rapport au GOB.
Ce voyage offrit à Goblet l’occasion d’un contact fructueux avec le Grand Secrétaire anglais, John Morant Hervey (1805–1880), GS from 1868 until his death. Il lui apprit, ce que feignit d’ignorer son interlocuteur, la suppression de l’article 135 et l’immixtion de la politique en loge (« Ce ne doit être un obstacle à des relations officielles, mais c’est regrettable et risque d’être source de scissions dans l’ordre ») et l’indépendance absolue du GOB qui ne dépendait d’aucun organisme de Hauts-Grades. Plus important, Hervey reconnut que dans tous les pays où l’église romaine était assez puissante pour former un parti politique, la franc-maçonnerie serait contrainte, pour sa défense, à se rapprocher du parti opposé, comme l’avait montré la démission forcée du GM précédent, Lord Ripon, lors de sa conversion au catholicisme.
Goblet, en écrivant ce rapport , a-t-il pris ses désirs pour la réalité ? Possible. N’empêche qu’une lettre officielle d’Hervey, en date du 21 mai 1875, annonçait l’établissement de relations officielles entre la GLUA et le GOB, relations qui n’allaient pas cependant jusqu’à l’échange de représentants.
Il suffit de rapprocher les dates, 1872 et 1875, pour constater que la suppression de l’invocation n’eut pas de conséquence immédiate sur les relations anglo-belges. Au contraire, en 1876 et 1884, des FF Britanniques résidant en Belgique demandaient à Londres une lettre de constitution pour une loge Neptune, à créer à Anvers. Les deux fois, la GLUA répondait de s’adresser au GO de Belgique.
En octobre 1893 se constitua une section anglaise des Elèves de Thémis (Anvers) qui devint en 1894 L’Anglo-Belge ou Anglo-Belgian Lodge. Cette Loge dépendant du GOB sera plus tard autorisée à cumuler les Rites moderne et écossais (juin 1900) et sera reconnue par le Suprême Conseil le 11 novembre 1900.
Ceci ne veut pas dire que les relations furent jamais suivies mais qu’elles existaient, en théorie sinon en pratique, malgré la décision concernant la France depuis 1878 sur un sujet similaire.
La rupture définitive vint en 1921.
le mot « regular », si cher aux maçons français, ne fut jamais utilisé, employé, dévoyé ou défiguré dans les conversations de ces années-là, même pas dans la lettre finale de rupture en 1921 (qu’on trouve aisément dans « loge albert de belgique », sur hiram.be.)
Merci beaucoup, Pierre, pour ces précisions relatives au GOB.
En ce qui me concerne, je préfère « l’article 1er », plus explicite et prédicatif que « la formule » touchant au GADL’U assez dogmatique du reste.
Depuis 1834, l’article 12 des Statuts et Règlements du Grand Orient de Belgique stipulait : Les actes du Gr :. Or :. seront intitulés « A la gloire du Gr :. A :. de l’U :. et sous la protection spéciale de Sa Majesté Léopold, Roi des Belges » (Léopold 1er était mort en 1865).
Une demande de révision des statuts du GOB fut déposée, le 2 avril 1866, par cinq députés des Philadelphes de Verviers, demandant la révision « endéans l’année ». Le Grand Comité, examinant l’affaire, estima qu’elle devait être présentée par cinq loges au moins et en informa les signataires. Rapidement, d’autres loges appuyèrent la demande verviétoise, Les Amis Philanthropes, les Vrais Amis de l’Union, le Réveil, les Amis de la Parfaite Intelligence, (Gr. Com. du 20 janvier 1867), la Persévérance (d’Anvers), la Bonne Amitié (de Namur) et l’Etoile Réunie (de Liège) (Gr. Com. du 3 mars 1867).
Le Grand Orient accueillit plutôt bien la chose, le GM Van Humbeek y étant favorable, et constitua une Commission dont le premier projet visait à supprimer la formule « A la Gloire du Grand Architecte de l’univers » et d’adopter comme article 1er :
« La Franc-Maçonnerie, institution essentiellement progressive, a pour objet la recherche de la vérité et le perfectionnement moral de l’homme.
Dans la sphère où elle se place, elle respecte la foi religieuse ou l’opinion philosophique de chacun de ses membres : elle ne formule ou n’invoque aucun dogme.
Elle regarde la liberté comme un droit propre à tout homme et n’exclut personne pour ses convictions politiques.
Elle proclame la tolérance comme moyen suprême d’étendre son principe qui est la solidarité et la fraternité humaine »
La proposition fut imprimée et envoyée aux différents ateliers, suscitant un intérêt à la mesure de l’enjeu, des discussions passionnées et un échange de correspondance entre les loges.
Le tout fut réuni dans un cahier spécial, envoyé aux loges au début de l’année 1869. On y lit que l’avis n’était pas unanime et que nombre de loges considéraient la question comme de peu d’importance (« Cette formule a-t-elle la moindre influence sur la valeur intrinsèque de (nos) actes ? Pour cette insignifiante question de forme, demande-t-on à la Maçonnerie Belge de statuer solennellement sur l’existence sur la nature du GA de l’U !! » Écrit la loge de Mons.).
Les avis étaient partagés. La Parfaite Union (de Mons) et la Bonne Amitié (de Namur) ne voyaient pas d’inconvénient à garder cette formule, Les Amis Philanthropes (de Bruxelles) applaudissait à sa disparition.
Le 27 mai 1871, le Grand Orient s’assemblait et siégeait trois jours successifs pour l’examen de cette seule question.
Le discours du Grand Orateur, Eyerman, fut sans doute déterminant. « Trois points seulement ont disparu des Statuts anciens. D’abord la formule du Grand Architecte de l’Univers… Si l’on pouvait voir dans la décision de la Commission une déclaration d’athéisme ou de matérialisme, on pourrait s’effrayer peut-être, mais nous sommes tous d’accord que la Maçonnerie n’est pas plus athée que spiritualiste ou matérialiste, et sous ce rapport, ce serait la négation la plus absolue du principe de tolérance que de considérer la suppression comme fatale à la Maçonnerie, c’est à dire fatale à la tolérance et au libre-examen. …. Je sais bien que les tendances anciennes, que les origines de la Maçonnerie sont le spiritualisme, mais nous sommes entrés dans une autre voie, basée sur le principe complet de la tolérance, et pour rester d’accord avec nous-mêmes, il est inutile d’imposer aucune formule, alors qu’on déclare n’accepter aucun dogme ni aucune formule. »
Mais il ajoutait plus loin, ce qui est bien plus important : « … (Demander à la franc-maçonnerie d’agir dans le monde profane), c’est la négation la plus formelle du principe de libre-examen et de tolérance.
La maçonnerie devait être une tribune pour formuler les idées qui de là devaient rayonner dans le monde profane.)
Ce discours clôturait le débat. Le préambule du projet fut rappelé par le Grand Orateur avant qu’il ne soit adopté à l’unanimité.
Ce préambule stipulait que « la Commission de révision a jugé nécessaire de substituer la formule nouvelle « Le Grand Orient de Belgique décide … » à celle du « Grand Architecte de l’Univers», changement donnant satisfaction à ses aspirations légitimes ».
L’art. 29 était adopté à l’unanimité. Il prévoyait que
Les actes émanés du GO de Belgique portent en tête l’inscription suivante : Au nom du Grand Orient de Belgique.
Quelques points accessoires furent remis à plus tard et examinés en octobre 1871 et janvier 1872.
Les nouveaux Statuts furent enfin transcrits au Livre d’Architecture à cette dernière date.
Comme on le voit, la révision des statuts et la suppression de la formule déiste furent loin d’être une décision hâtive. Le travail de révision prit au moins cinq ans, avec un examen sérieux par les loges. La décision fut unanime (sans qu’on parle jamais du cas « français »).
Merci à Philippe FOUSSIER de nous permettre d’accéder au texte de sa conférence de juin dernier , sur un thème si important et historique du GODF