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Géplu.
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Je ne sais pas qui est l’auteur de ce texte de présentation mais l’on peut supposer qu’étant affiché dans le sanctuaire de la Sainte-Baume, il émane d’une autorité ecclésiastique ou que, a minima, il a obtenu le « nihil obstat » de l’évêque du diocèse de Fréjus-Toulon, Monseigneur Dominique Rey — dont il n’est sans doute pas inutile par rapport avec la suite du propos de rappeler la proximité bien connue avec les idées d’extrême-droite et le RN.
Quoi qu’il soit de la paternité de ce texte, il est clair que la manière dont le compagnonnage est ici présenté relève d’une volonté de mettre exclusivement en valeur sa dimension chrétienne, au détriment de ses dimensions revendicatives (pré-syndicalistes) et maçonnico-initiatiques. De fait, réduire d’entrée l’emblème du compas et de l’équerre au rang d’insigne « des compagnons du Devoir », sans évoquer que ceux-ci ne sont qu’une des branches du compagnonnage mais pas la seule, relève d’une manipulation visant à escamoter la franc-maçonnerie et les autres sociétés compagnonniques. Pour un historien ayant une vision critique et bien documentée des compagnonnages contemporains, il est manifeste que la source directe d’inspiration de cette présentation est la pensée de Jean Bernard, le fondateur de l’Association ouvrière des Compagnons du Devoir, qui, dès 1940, obtint pour ce faire le soutien du Maréchal Pétain en dénonçant la supposée mainmise de la franc-maçonnerie sur certaines sociétés compagnonniques.
Historiquement, il ne s’agit aucunement d’un pèlerinage multiséculaire de tous les compagnons à la Sainte-Baume, ni, par ce biais, d’une dévotion qui serait dévolue par eux à leur supposée sainte-patronne, Marie-Madeleine. Chaque corps de métier possède déjà un saint-patron et nul n’est besoin d’y surajouter Marie-Madeleine. En fait, cette étape de la Sainte-Baume sur le tour de France d’une partie des compagnonnages n’est formellement attestée qu’à partir des années 1820 et elle prendra de l’ampleur à partir des années 1840. On n’en a aucune mention en tant que halte proprement compagnonnique dans les récits datant d’avant la Révolution.
J’ai évoqué dans plusieurs de mes articles (cf. notamment mes trois articles sous le titre « Noli me tangere » dans Franc-maçonnerie magazine, numéros 83-84-85) et travaux ce sujet complexe de la Sainte-Baume et la manière dont ce thème servira à l’Église dès la première Restauration et dans les années 1840 de support à sa reconquête des milieux ouvriers via le compagnonnage du Devoir, puis à Jean Bernard et aux milieux ultra-catholiques lyonnais qui le soutenaient, dès 1936 et en 1940-1944, à dénoncer pêle-mêle, selon les époques et les modes, le socialisme (voire le bolchevisme) conjugué à la franc-maçonnerie, en accentuant le fait que les compagnons sont à l’origine de bons chrétiens — ce qui est réel… comme c’est au demeurant le cas banal de la majorité de la population avant que la philosophie des Lumières se répande jusque dans les classes populaires.
Un des articles sur les compagnons du Tour de France publiés en juin-juillet 1941 par Le Progrès de Lyon à l’instigation de Jean Bernard et du régime de Vichy, relate le pèlerinage à la Sainte-Baume qu’accomplissent alors trois jeunes compagnons sous la conduite d’un « Ancien » pour « renouer la tradition » comme le firent « depuis des siècles et des siècles les Compagnons du Devoir du Tour de France » (affirmation sans fondement). La photographie qui, en février 1942, conclut un tirage de luxe de ces articles, dit mieux qu’un long discours toute l’idéologie « traditionaliste » de l’époque et du régime : on y voit cet Ancien fièrement campé au sommet du Saint-Pilon, couleurs au vent et canne en main, contempler l’avenir supposé radieux du vieux compagnonnage ainsi « rénové » grâce au Maréchal et à Jean Bernard.
Aujourd’hui encore, nombre de compagnons accomplissent ce voyage à la Sainte-Baume et les religieux gardant la grotte apposent sur leurs couleurs les cachets attestant de leur passage. Parmi ces compagnons figurent des « enfants » d’autres fondateurs que Maître Jacques, ce qui illustre bien la fascination irrationnelle qu’exercent les légendes sur les compagnons au travers leur dimension identitaire et le communautarisme, de plus en plus exacerbé.
En résumé, ce texte procède et participe activement non de la tradition elle-même, mais d’une fabrication de la tradition très orientée… et, en l’occurrence, très antimaçonnique !
Bonne initiative.
En mémoire de Pierre Petit (1910-1985), « Tourangeau le Disciple de la Lumière ».
Sa bio :
« Né à Tours en 1910, ce fils de menuisier rentre en apprentissage à 13 ans chez un maître verrier tourangeau. Conjointement, à l’âge de 16 ans, il prépare à l’École des Beaux-Arts de Tours le concours d’entrée à l’École Nationale des Arts décoratifs où il obtient son diplôme.
En 1925, de retour en Touraine après le service militaire, il se consacre totalement à la peinture. En 1949, il reçoit le prix Hallmark et le prix de la Peinture contemporaine. Parallèlement, il poursuit son œuvre de vitrailliste. En 1972, il est nommé Meilleur Ouvrier de France avec « la création du monde », un projet de vitrail destiné à la cathédrale de Troyes. Avec les verrières de la Sainte-Baume en Provence, il réalise son plus important chantier, qu’il surnomme « sa grande cathédrale de lumière ».
Projet de vitrail, gouache / encre, 2e moitié 20e siècle (141Fi16)
En Indre-et-Loire, on lui doit notamment une verrière représentant Notre-Dame de Boulogne à l’église Sainte-Marie-Madeleine à Azay-sur-Cher en 1944, une grande icône de la Vierge à l’église Saint-Pierre-ès-Liens à Monts et un vitrail de Saint-François-de-Paule à l’église éponyme à Tours en 1958, dont nous conservons le carton. Il est l’auteur d’un vitrail et d’une fresque à la Grande Bretêche à Tours consacrés Marie Poussepin à la fondatrice de la congrégation. Il réalise également les vitraux du musée du Compagnonnage à Tours en 1975.
Il est reçu compagnon vitrier des Devoirs unis en 1974, sous le nom de « Tourangeau le Disciple de la Lumière ». Son atelier est installé au lieu-dit « Les Petites Mottes » à Sorigny où il apprécie la nature. Très attaché au milieu compagnonnique, il cultive une alliance entre le devoir et la foi. Son œuvre reste inachevée lorsqu’il décède en 1985 d’un accident de voiture. »
En savoir + : source https://bit.ly/3VSUnEz
Et son data BnF : https://data.bnf.fr/16672437/pierre_petit/
Ou encore sur https://les-arts-en-echo.fr/oeuvres/76-pierre-petit