40ème anniversaire de l’abolition de la peine de mort en France
Un communiqué de la Fédération française de l’Ordre Maçonnique Mixte International LE DROIT HUMAIN
« Ni dans le cœur des individus, ni dans les mœurs de la société,
il n’y aura de paix durable tant que la mort ne sera pas mise hors la loi. »
Albert Camus. Réflexions sur la peine capitale, 1957
Le 9 octobre 1981, il y a tout juste 40 ans, était promulguée la loi portant abolition de la peine de mort. Depuis le 23 février 2007, l’abolition de la peine de mort a été intégrée à notre Constitution (art. 66-1). Mais la tentation de rétablir cette peine est toujours forte comme l’a montré un sondage de septembre 2020 publié par Le Monde selon lequel 55% des Français y étaient favorables. Les récents propos du polémiste d’extrême droite Eric Zemmour, vont dans le même sens. Cette tentation est liée tout à la fois à l’émotion ressentie par l’opinion, lors de crimes particulièrement odieux mais également aux actes terroristes.
Si aujourd’hui dans le monde, 149 pays sont abolitionnistes de fait ou de droit, 52 états appliquent toujours la peine de mort. Selon l’ONG Ensemble Contre la Peine de Mort (ECPM), 28 500 personnes sont condamnées à mort dans le monde. Rappelons aussi que 11 pays dans le monde condamnent à mort les personnes LGBTQIA+ et que les femmes subissent encore cette peine pour sorcellerie ou adultère ! Dans certains pays, à l’instigation des pouvoirs en place, c’est la pratique de l’assassinat autorisé ou de l’élimination ciblée qui permet de supprimer des femmes ou des hommes considérés comme des opposants ou désignés comme représentant un danger ou une menace. 44 ans après la Déclaration de Stockholm contre la peine de mort, 5 ans après le vote de la résolution 71/187 par l’Assemblée Générale de l’ONU, le combat pour l’abolition reste pleinement d’actualité.
La Fédération Française de l’Ordre Maçonnique Mixte Le DROIT HUMAIN se tient au côté de toutes les associations qui combattent en faveur de l’éradication de la peine de mort. Elle combat de même toute tentative de restauration de celle-ci dans notre pays car comme le proclamait Victor Hugo dans son discours du 15 septembre 1848 : « La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie. Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare, la civilisation règne. »
Dans cette phrase, on voudra bien m’excuser une erreur orthographique grotesque.
Bien évidemment, sur le mot final il faut lire « cou » et non « coup »:
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Au lieu de penser aux enfants massacrés, il ne pouvait plus penser qu’à ce corps pantelant qu’on venait de jeter sur une planche pour lui couper le cou.
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En présentant mes excuses, je n’ose me demander où avais-je la tête en écrivant ceci.
A citer Albert Camus et ses « Réflexions sur la peine capitale », autant en faire partager les toutes premières lignes de son livre :
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« Peu avant la guerre e 1914, un assassin dont le crime était particulièrement révoltant (il avait massacré une famille de fermiers avec leurs enfants) fût condamné à mort en Alger. Il s’agissait d’un ouvrier agricole qui avait tué dans une sorte de délire de sang, mais avait aggravé son cas en volant ses victimes. L’affaire eut un grand retentissement. On estima généralement que la décapitation était une peine trop douce pour un pareil monstre.
Telle fût, m’a-t-on dit, l’opinion de mon père que le meurtre des enfants , en particulier, avait indigné.
L’une des rares choses que je sache de lui, en tout cas, est qu’il voulut assister à l’exécution, pour la première fois de sa vie. Il se leva dans nuit pour se rendre sur les lieux du supplice, à l’autre bout de la ville, au milieu d’un grand concours de peuple.
Ce qu’il vit, ce matin-là, il n’en dit rien à personne.
Ma mère raconte seulement qu’il rentra en coup de vent, le visage bouleversé, refusa de parler, s’étendit un moment sur le lit et se mit tout d’un coup à vomir. Il venait de découvrir la réalité qui se cachait sous les grandes formules dont on la masquait.
Au lieu de penser aux enfants massacrés, il ne pouvait plus penser qu’à ce corps pantelant qu’on venait de jeter sur une planche pour lui couper le coup.
Il faut croire que cet acte rituel est bien horrible pour arriver à vaincre l’indignation d’un homme simple et droit pour qu’un châtiment qu’l estimait cent fois mérité n’ait eu finalement d’autre effet que de lui retourner le coeur.
Quand la suprême justice donne seulement à vomir à l’honnête homme qu’elle est censée protéger, il paraît difficile de soutenir qu’elle est destinée, comme ce devrait être sa fonction, à apporter plus de paix et d’ordre dans la cité.
Il éclate au contraire qu’elle n’est pas moins révoltante que le crime, et que ce nouveau meurtre, loin de réparer l’offense faite au corps social, ajoute une souillure à la première. »
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A cela, on pourra ajouter la lecture du livre de Robet Badinter lui-même, « L’Exécution », Badinter ayant sur Albert Camus, le même « privilège » que celui du père de Camus, celui d’avoir assisté à de telles exécutions.
A cette différence près cependant que le père d’Albert Camus y était allé de manière libre et volontaire (à l’époque les exécutions étaient publiques, elles l’ont été jusqu’en 1939, me semble-t-il), alors que Robert Badinter y assistait en tant qu’avocat accompagnant son client, cela faisait alors partie de la fonction d’avocat de la défense.
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Je me permets enfin d’ajouter une petite nuance sur le titre du livre dans lequel s’exprime Albert Camus.
Le titre « Réflexions sur la peine capitale », en tout cas dans le bouquin auquel je me réfère ( Folio n°3609, édition 2002) est le titre d’un livre regroupant deux collaborations, celle d’Arthur Koestler, sous l’intitulé « Réflexions sur la potence », et celle d’Albert Camus évidemment ayant pour titre: « Réflexions sur la guillotine ».
Un peu oublié désormais, en tout cas en France me semble-t-il, Arthur Koestler a pourtant eu son heure de gloire avec quelques livres choc: « Spartacus », « Le Zéro et l’infini », « La Lie de la Terre », et « Un testament espagnol ».
Le dernier nommé est particulièrement important par rapport à notre sujet.
Koestler était correspondant de guerre d’un journal anglais pendant la Guerre d’Espagne. Emprisonné par les troupes franquistes, il s’attendait tous les matins de son incarcération à être exécuté, comme l’ont été bon nombre de ses voisins de cellules.
Il a donc vécu de près l’attente et l’anxiété du futur condamné. Ce n’est pas pour rien que ce livre s’affiche comme un testament. Il n’a du la vie sauve qu’au fait de n’être pas espagnol républicain, mais sa réputation était passablement sulfureuse, et à une campagne en vue de sa libération, dont il ne sût rien pendant toute son incarcération.
Il a connu aussi les camps d’internement français du début de la seconde guerre, c’est tout le sujet de « La Lie la Terre ».
Donc, sur le sujet il y a du vécu, pour le dire simplement.
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Sur de tels sujets, est-il cependant possible, et approprié, de tenter une sortie avec un peu d’humour?
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Remercions donc une obédience, dont on dit qu’elle est composée d’Enfants de la Veuve, de s’être emparé de ce sujet d’anniversaire de l’abolition de la peine de mort en France.
Et on observera que le bon docteur Guillotin, était ci-devant franc-maçon, initié en terre charentaise, sa région d’origine, à Angoulême je crois bien, et qu’il semble être passé à Paris par la loge des « Neuf Soeurs ».
Enfin, parmi les surnoms donnés à la guillotine, j’observe qu’il y a le « Rasoir national ».
C’est curieux comme les initiales de ce surnom m’évoquent un parti où se trouvent, nous dit-on, pas mal de gens en faveur du rétablissement de la peine de mort.
Sans doutent lisent-ils peu, et encore moins Albert Camus…