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4 – Je crains que ce que l’on entendait par « néoplatonisme » dans les cercles officiels dont faisait partie Schaw n’était rien d’autre que les écrits des Pères de l’Eglise, Grégoire de Nysse, saint Augustin, Eusèbe de Césarée, et l’on se risquait sûrement jusqu’à Origène considéré hérétique, mais il ne s’agissait pas des Grecs.
Je ne pense pas non plus que les opératifs s’adonnaient à la réflexion métaphysique ; ils avaient des bâtiments à construire, ce qui occupait plus de temps que ce dont ils disposaient.
En revanche, dans les cercles philosophiques de la Renaissance on découvrait, entre autres, Lucrèce grâce à Poggio Bracciolini et cela faisait douter de la pertinence des textes religieux.
Je pense que la spéculation métaphysique mélangeant alchimie, hermétisme, magie (pourquoi pas, bien que j’en doute) disciplinée par la rigueur du néoplatonisme grec et la rationalité du métier le plus rigoureux de tous les temps de cette époque, la construction, est une idée, une invention des futurs fondateurs de la Royal Society s’étant fait initier dans des loges écossaises pour une ou des raisons qu’il serait très utile de comprendre.
Il me semble que ceci s’exprime assez clairement dans la première partie des Constitutions 1723.
Lorsque l’on acceptera de lire ce texte de manière objective, nous pourrons enfin avoir des discussions fort intéressantes et je ne doute pas un instant que les raisons du phénomène « acceptés » s’éclaireront et la réalité de la maçonnerie également, cette réalité qui se situe bien loin de la chevalerie et autre fantasmes voire fantaisies dont on l’affuble et dont les Moderns étaient particulièrement éloignés et allergiques.
William Schaw fut nommé maître des ouvrages du roi d’Ecosse en 1589. A ce titre il prit part à la construction, ou la restauration, de nombreux édifices, dont l’abbaye de Dunferline et la résidence de la reine Anne dans cette même localité (Stevenson, 1988, pp. 28 et suivantes). En 1598, il promulgua une première série de statuts qui codifiaient la pratique du métier de maçon. L’année suivante, il promulgait une seconde série de statuts dont le but visait surtout à établir une liste de préséance des loges basée sur leur ancienneté. Ainsi la loge d’Edimbourg, « Mary’s Chapel », était reconnue comme « principale d’Ecosse », celle de Kilwinning comme « chef et seconde » du royaume. En outre ces seconds statuts apportent deux précisions importantes. L’article 4 stipule que les loges sont soumises à l’autorité des « Presbytères » (assemblées locales de l’Eglise réformée d’Ecosse) ; l’article 6 prévoit que « le surveillant (en fait le président de la loge) de Kilwinning choisira six parmi les meilleurs et dignes maçons afin de tester la compétence de tous les compagnons en leur art, métier et ancienne mémoire ». L’article 10 ajoute que nul ne sera admis compagnon « sans un examen suffisant et la preuve (qu’il possède) la mémoire et la science ». L’article 13 stipule que le Surveillant de la loge de Kilwinning doit tester l’art de mémoire de chaque fellow et de chaque apprenti.
(Art. 13) Item it is ordained by ye generall warden that ye warden of ye ludge of Kilynning tak tryall of ye art of memorie and science yrof of everie fellowe of craft and everie prenteiss according to ayr of yr vocations ».
Que pouvait avoir à l’esprit le rédacteur de ces statuts en mentionnant l’art de mémoire ? Qu’il puisse y avoir une connexion entre une technique mnémonique basée sur l’architecture et le métier de maçon paraît évident, d’autant que beaucoup étant sans doute illettrés, ils ne pouvaient qu’en bénéficier dans l’apprentissage d’un métier comprenant des « secrets » techniques enseignés de bouche à oreille. Reste à voir si Schaw, homme de la Renaissance, n’avait à l’esprit que la simple utilité pratique de la méthode. N’est-il pas aussi vraisemblable qu’il souhaitait l’appliquer à d’autres domaines, relevant des sciences « secrètes » ? L’hypothèse est d’autant plus tentante que la maçonnerie écossaise du XVII siècle est surtout connue par son « mot de maçon » qui n’a avec la pratique du métier qu’un lointain rapport (voir les nombreuses entrées sur ce mason’s word dans hiram.be). Mais elle reste une hypothèse qui ne repose que sur une phrase énigmatique.
On connait peu de la vie de William Schaw, sinon ce qu’en dit l’épitaphe latine de son tombeau de l’abbaye de Dunferline (à 20 miles au nord d’Edimbourg)
« A Dieu, Très Saint et Très Haut, sous ce bas monceau de pierres gît un homme illustre par sa rare expérience, son admirable rectitude, l’inégalée intégrité de sa vie et de ses qualités affirmées, William Schaw, Maître des œuvres du Roi, Maître des cérémonies et chambellan de la Reine. Il mourut le 18 avril 1602, ayant séjourné parmi les hommes cinquante-deux années. Dans un souci de s’améliorer l’esprit, il voyagea en France et dans maints autres royaumes. Formé dans tous les arts libéraux, il excellait dans l’architecture. Les Princes en particulier l’estimaient pour ses qualités remarquables. Dans son activité professionnelle comme dans ses affaires privées, il se montra non seulement infatiguable et indomptable mais constamment sérieux et droit. Sa capacité innée à servir et à se faire servir par d’autres lui ont gagné la chaude affection de tout homme bon qui le connut. A présent, il repose dans les cieux pour l’Eternité. »
Une inscription sur la tombe ajoute « Vis dans les Cieux pour toujours, toi, le meilleur des hommes. Pour toi, la vie ne fut dur labeur, la mort un profond repos. En l’honneur de son ami William Schaw au cœur sincère, Alexander Seton, comte de Dunferline.
Schaw était catholique dans un pays secoué par la Réforme calviniste, protégé de la Reine Anne de Danemark, épouse de Jacques VI, roi d’Ecosse, fils de Marie Stuart.
Il est bon dans cette affaire de relire ce qu’a vraiment écrit Stevenson.
Il insiste sur l’importance du néo-platonisme, de l’alchimie, de l’hermétisme et de la magie dans la pensée du XVI° siècle. Il souligne le culte du secret, l’emploi du symbolisme, des messages codés et … de l’art de la mémoire, véhicule des connaissances sophistiquées et des « mystères » de la nature. Il discute longuement l’intérêt pour ces sciences « occultes » (le mot n’était pas encore utilisé) de la cour de Jacques VI, fils de Mary Stuart, roi d’Ecosse qui deviendra roi d’Angleterre sous le nom de Jacques Ier. William Schaw faisait partie de cette cour dont il partageait sans doute les intérêts. Il était aussi “Master of Works and general Warden of the Craft” (of Masonry). C’est lui qui promulgua deux séries de Statuts (en 1598 et 1599). Dans la série de 1569, on lit que les officiers de la loge de Kilwinning devaient ‘tak tryall of the art of memorie and science thairof, of euerie fallowe of craft and euerie prenteiss, in case thai have lost ony point thairof” (article 14). Les officiers de la loge devaient examiner l’ « art de mémoire » de tous les compagnons et apprentis. Rien de concret n’’explique, noir sur blanc, ce qu’il s’agit de mémoriser.
Stevenson (1988) pose l’hypothèse que puisque Schaw faisait partie d’une cour où l’ésotérisme de la renaissance (le néo-platonisme si l’on veut) était à la mode (jusqu’à la chasse aux sorcières dont le roi était friand), cet art de mémoire (dont les artisans-maçons devaient prouver qu’ils en connaissaient « tous les points ») était celui même dont parlaient les érudits de la cour dans leurs développements savants. L’hypothèse est ingénieuse et séduisante (elle suscite la discussion chez les francs-maçons « latins » depuis trente ans !), mais on peut hésiter à l’adopter lorsqu’on se rappelle qu’un atelier d’artisans- maçons n’est pas la cour raffinée de Jacques VI. Il est certes possible que certains de ces érudits aient espéré trouver dans ces ateliers ou loges la réponse à leurs préoccupations mais nous n’en avons pas de preuve.
Quant aux « francs-maçons » anglais, non opératifs, de 1720, y a-t-il des d’argument pour penser que leur souci était « l’architecture » idéalisée, entretenue par la lecture de Vitruve et alimentée par leur expérience du « grand Tour » (voyage « d’étude » dans le midi de la France et l’Italie, effectué avant l’entrée de la vie adulte par les fils de familles anglaises favorisés par la fortune) ? Les quelques textes, rituels, discours que j’en connais ne permettent pas, à mon avis, de l’affirmer.
A propos de l’Art de Mémoire, je crains que ne s’établisse chez certains lecteurs une confusion entre le contenant et le contenu. L’Art de la mémoire, ainsi que l’a fort bien analysé Frances Yates, regroupe un ensemble de techniques mnémotechniques (ex: la méthode des locci ou du palais de memoire) qui viennent en appui de l’apprentissage des savoirs et de leur restitution par la réthorique. Apparu des l’antiquité il a inspiré toute la société occidentale jusqu’au XVIII ème siècle. Il était pratiqué tant par les maçons opératifs que les spéculatifs, mais les contenus n’étaient ni tout a fait identiques ni destinés aux mêmes fins, même si les seconds se sont inspirés des premiers. C’est ce qu’on discerne dans » les origines de la franc maçonnerie écossaise » quand on prend un peu de recul pour comprendre Stevenson. Nos rituels sont truffés de réminiscences et d’allusions à cet art de la mémoire, par exemple le fait d’épeler les mots sacrés ou de passe. La scolastique de Rome l’a beaucoup utilisé mais en le verrouillant. Les scènes représentées sur les vitraux en sont un autre exemple.
Le siècle des lumières l’a discrédité et l’école de Jules Ferry a donné l’estocade.
Certaines écoles et universités le re-découvrent aujourd’hui.
Et comme l’explique très bien Frances Yates, la technique classique est à double tranchant car elle suppose deux difficultés superposées, la mémorisation de l’enfilade de pièces, de vestibules, d’escaliers, de décors divers d’une part, la fusion du texte à mémoriser avec ladite enfilade !
Rien à voir avec ce que nous faisons : regarder un tableau de loge (par exemple) et en décrire successivement les composants (après mémorisation préalable).
William Schaw, « maître d’œuvre du Roi et surveillant général des maçons » qui, le premier, organisa les loges en une structure organisée et leur donna des statuts valables pour tout le royaume.
Je pense qu’il est utile de préciser sur le plan historique que cette nomination en 1583 en qualité de Surveillant Général (Master of Works) par le roi Jacques VI d’Écosse se rapportait exclusivement au Royaume d’Écosse, puisque l’acte d’Union des deux couronnes de 1707 entre l’Angleterre et l’Écosse est postérieur de plus d’un siècle à la mort de William Shaw (†1602). Les statuts Shaw ne concernaient que l’Ecosse.