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Bathsheba
Pour mon humble part je souhaite ajouter une pierre au (pas trop long) commentaire de Cyrus.
La Loge où j’ai été initié il y a près de 14 ans ne m’informait pas ou peu sur la mécanique interne et
logistique des Loges vs Obédiences.
J’étais perdue dans ce fratras de traditions, de contradictions, de pouvoirs. À ma Maîtrise je pensais sérieusement quitter la fm ne m’y sentant pas dans mon créneau à plusieurs égards. Et cela, jusqu’au jour ou l’on me transmette un exemplaire de l’ouvrage de quelques 260 pages de Pierre DANGlE:
Loge souveraine ou loges esclaves, Le Rocher, 1986
Ce sont ces lignes lues et relues qui m’ont faient comprendre et surtout fait prendre conscience que j’étais sur «ma bonne route» et qu’il y avait, obligatoirement, un envers à la médaille fm qui ne s’accordait pas d’office avec ma sincérité et mes efforts pour saisir les rudiments de l’Ordre par/dans le Travail symbolique.
Bref, la lecture de cet ouvrage a été déterminante à ce que je demeure en FM, de par son exposé élaboré: du bien, du moins bien, du vrai, du faux de qu’était devenu cet Odre si ancien, si récent à la fois. Car, dorénavant j’en tenais les Tenants et les Aboutissants; ce qui me donnait la grande LIBERTÉ de poursuivre ou non.
C’est ce livre
Jean VILA
Bonjour,
Voilà, à propos d’un livre, ressurgir une couleuvre maçonnique à défaut d’un serpent de mer…!
Répondant à la suggestion de CYRUS, il est intéressant de se référer au blog du 2012/11/03 et à ses … 57 commentaires ! Pourtant l’information ne saurait-être totalement préhensible sans se reporter à un ouvrage-manifeste intitulé « Une Loge révèle : franc-maçonnerie ou initiation ? » (Le Rocher 1985). Dans celui-ci, une Loge initiatique « Les Maîtres d’Oeuvre » se livrait à une critique en règle de la FM. Particulièrement à propos de ses dérives obédientielles et de ses passages de grades systématiques, sans élévation correspondante « d’état de conscience », ni véritable abandon des métaux. Le tout conduisant à une certaine forme du « Principe de Peter » où tous les postes (à défaut des fonctions) finiraient par être occupés par des êtres ayant atteint « leur niveau d’incompétence ». Ceci écrit sans aucune appréciation personnelle du présent commentateur…
Ce groupe s’était coopté dans le cadre de la RL Goethe de la GLNF et sous la houlette de François Brunier (érudit, libraire et grand maçon ayant subi les foudres de Vichy et la déportation nazie. Parrain et modèle de Christian Jacq pour son ouvrage « Le moine et le Vénérable »). Il se forgea une réputation de « stakhanoviste de l’initiation » par sa méthodologie de travail intensif et ses aspirations à une forme de vécu initiatique des traditions bâtisseuses. Il préconisait donc un retour à des Loges « Libres et souveraines » se reconnaissant entre elles et, éventuellement, établissant des liens de solidarité pour certaines actions communes (celles-ci étant de la nature de quêtes spirituelles plutôt que d’actions caritatives, pour lesquelles toutes les voies « profanes » étaient déjà offertes).
De telles visées ne pouvaient correspondre aux pratiques de la GLNF, surtout en matière de non renouvellement du vénéralat d’un François Brunier, maintenu en chaire par ses FF, comme par un refus de visiteurs ou celui d’Inspecteurs diligentés et autres « canaris »… On allait donc au schisme et une grande partie de la RL GOETHE quitta l’obédience en emportant ses travaux et son matériel… !!! Abrités dans une antique cave des abords des Halles, alors en cours de démolition, « Les Maîtres d’Oeuvre » élaborèrent leur brûlot, cité ci-dessus. L’ouvrage s’entourait d’un large bandeau rouge avec mention : « Vrais initiés et faux francs-maçons ». On était averti,… voire séduit… !
Admis à l’intérieur, on ne pouvait qu’apprécier une méthodologie de travail très rationnelle et rigoureuse.
A faire fuir tous les amateurs ou dilettantes venus prendre un parfum ou une onction de Loge… On peut en jauger : Tenue solennelle tous les lundis, vacances « scolaires » ignorées. Établissement d’un « plan d’œuvre » étalé sur plusieurs années (rituel d’initiation au 1er degré, abordé par questions-réponses successives). Et, à chaque Tenue, ce n’était pas un Frère planchant quinze minutes mais TOUS les FF qui présentaient leurs apports préparés et écrits !!! Les Compagnons dans le Temple, puis les Maîtres, puis ceux en fonction et selon leur Fonction, puis le VM tentant de tirer au plus haut la perception du propos de la Tenue. Des agapes ritualisées prolongeaient chaque Tenue vécue dans le Temple et c’était alors au tour de tous les Apprentis de présenter leurs perceptions sous la forme d’un apport écrit et lu. Les Compagnons présentaient ensuite, oralement et à tour de rôle, de nouvelles perspectives issues des apports de certains Apprentis, voire les réorientant à propos de points mal perçus ou mal assimilés. Puis à nouveau les Maîtres et le VM synthétisant, toujours au plus haut…
On voudra bien admettre que lorsqu’un symbole, par nature insaisissable dans son essence, est abordé par quinze à vingt regards différents, donc autant d’angles, on puisse commencer à en avoir une certaine perception… C’est un peu plus formateur que d’entendre, parfois sur les Colonnes : « Qui est-ce qui planche ce soir ? Sur quoi ?… ». Là, la Tenue était véritablement réfléchie et préparée. Un F. se proposait comme rédacteur. Il recevait copie des apports écrits de tous les FF, notait le contenu des interventions orales, rassemblait le tout dans un rapport intégral classant les idées et les propos par items et proposait un rapport synthétique lu lors de la Tenue suivante. L’ensemble du dossier était alors remis au Trésorier de la Loge, le « trésor » matériel n’étant que celui de l’association 1901 et tenu par un Frère ayant des compétences comptables… Saisis de « réunionite », beaucoup de cénacles civils ou professionnels pourraient s’inspirer d’une telle méthodologie où chacun sait de quoi il retourne, y a réfléchi et s’est formé un début d’opinion…
Inconvénients : difficile d’envisager ce type de travail, très chronophage, à plus de vingt Frères. Cela nécessitait une autodiscipline constante pour éviter les redites (« J’avais pensé à tel aspect, mais le F. Untel l’a déjà évoqué. Mais je pourrais proposer ce nouveau point, etc… ».). Malgré cela et à raison de plusieurs minutes par Frère, une Tenue pouvait facilement s’écouler de 20h30 à… 2 heures du matin… !!! L’horreur maçonnique absolue et propre à décourager les meilleures volontés, estimant avoir vécu une acmé lors de la Chaîne d’Union et se devant « d’atterrir en douceur » dans le brouhaha d’agapes plus ou moins profanes…
Pourtant, au « Maîtres d’œuvre », la présence fut toujours de 100% et le Frère absent, par nécessité absolue, adressait le texte de son apport lu alors en Tenue ou, selon son grade, autour de la Table du Banquet. Comment expliquer, à l’extérieur, un tel « fanatisme », voire une telle addiction ? Peut-on invoquer la jouissance, le plaisir, la « prise de pied », le bien-être ressenti dans la découverte en commun et le partage ? Une sorte de rage d’explorer des territoires – intellectuels, culturels, historiques, littéraires – d’établir des ponts, des correspondances à priori peu visibles selon les critères d’appréciation académiques. Une sorte d’autre lecture de l’évolution de l’humanité, en recherchant les constantes perçues par des groupes, des cercles, des ordres, des formes spirituelles en ayant témoigné dans le passé. Ces constantes de nature « principielle » étaient recherchées en employant, en commun, des sortes de « lunettes initiatiques » comme si l’on arrivait à percevoir dans l’infrarouge ou l’ultra-violet (voir des photos prises dans ces spectres). Ceci est difficilement exprimable (comme l’odeur de la rose ou le sentiment d’amoureux…) les mots sont ici très maladroits pour en proposer le ressenti.
Autre inconvénient : le risque sectaire. Étymologiquement, est sectaire tout ce qui retranche d’un principal, ce qui s’écarte d’une norme, de vie ou de pensée. Jésus se « sectionna » de la norme juive en exprimant de nouvelles propositions. Par ses disciples, la secte devint norme et « sectaire » tout ce qui s’écartait de Rome… Alors va pour sectaire, mais plutôt « auto-sectorisation » ! Le langage, les textes, les concepts découverts en commun, conduisaient quasiment à l’impossibilité de communiquer avec autrui, proches et maçons compris. Il y avait un ressenti d’isolement personnel hors les instants privilégiés partagés en Loge. D’où cette appétence pour ces rencontres rituelles, comme d’autres autour de l’analyse des opéras de Mozart, de films à caractère initiatique, des expositions, des voyages en Egypte, etc… Le tout pouvant occasionner une centaine de rencontres par an, il ne faut pas s’étonner de la rapidité de l’évolution de conscience des membres de cette Loge : une sorte de TGV initiatique !!!
Si, de plus, un Apprenti ne change de Colonne qu’après trois à cinq ans – tout en pouvant causer de l’assassinat du Maître -, si un Compagnon le reste une dizaine d’années avant de devenir « fini » à l’instar des pratiques du Compagnonnage traditionnel, si « Maître » est l’ultime Grade sans besoin d’une ribambelle de H.G. ultérieurs, on percevra mieux le soin apporté à la formation réciproque de tous les Frères réunis dans une quête exclusivement initiatique (sans les « pages de variétés » décrites par Hermann Hesse dans « Le jeu des perles de verre », ouvrage de chevet du 3eme degré…).
En rapport avec les propos extérieurs et souvent rudimentaires diffusés de temps à autres, une analyse plus fine permettrait d’apprécier les strates successives dont se dépouilla cette Loge des « Maîtres d’œuvre ». Celle des indécis ayant connu le temps de la Goethe de la GLNF, celle des sceptiques d’un excès d’égyptologie (j’en fus) où le pharaonat succédait, logiquement, au vénéralat – une 34eme dynastie (secrète) prenant la relève de la 33eme des Ptolémée- résurgence prolongeant maintenant une capacité à « voir dans l’invisible », etc…
Pharaon symbolique pourquoi pas ! A vie, en découle… Tentative de reconstitution d’un « couple solaire » peut être un vécu intéressant pour les deux autoproclamés. S’encaper de rouge, se chapeauter ou s’emplumer n’est pas plus ridicule que quelques accoutrements pseudo-chevaleresques. On ne saurait jeter l’opprobre par rapport à ce qui fut largement inventé dans une FM se disant de bon aloi. Mais aussi, liberté à tout moment était de s’en dissocier, il fallait « savoir raison garder ». Dans tous les cas nul ne pouvait se reprocher de l’immensité des ouvertures, des perspectives, des perceptions ou des savoirs acquis en si peu de temps. Un grand coup de pied au derrière vous propulsant au-delà d’horizons insoupçonnés (aujourd’hui, on dirait plutôt un booster !).
Qu’un auteur devenu connu voit se concentrer sur lui un mélange hétéroclite de reproches est humain et, en effet, il n’est qu’homme conservant ses opinions personnelles, ses jugements à l’emporte-pièce et, ce qui est peu souligné, ses accès de petitesse (un Ptolémée déclinant ?). Rien du Maître de Sagesse comme il peut s’en rencontrer en d’autres voies…
Ce passage expérimental méritait d’être vécu et il a laissé moultes traces éditoriales. Une quarantaine de volumes provenant d’une écriture individuelle ou collective (la compilation ordonnée des travaux de Loge), soit par la production de l’homme de plume non cité, soit par des « ex » ayant poursuivi dans d’autres voies et témoignant de leurs recherches et de leurs travaux dans divers domaines.
Mes excuses à notre hôte d’avoir été un peu long… mais il reste encore tant à écrire…
À toute fin utile, l’auteur de cet ouvrage (Pierre Dangle) est le pseudonyme d’un romancier à succès de librairie : Christian JACQ.
Ce dernier est le Vénérable ou Grand Maître à vie d’une loge-obédience : les Maîtres d’Œuvre qui deviendra Naos puis, par la suite, prendra le nom de Loge Goethe Tradition.
Voir à ce propos l’article de Jiri Pragman sur ce même site en 2012 : https://www.hiram.be/blog/2012/11/03/christian-jacq-est-il-le-venerable-maitre-dune-loge-sectaire/